peuples ont été obligez de faire de grands réfer-voirs pour
recueillir les eaux des pluies & des neiges ; ces ouvrages
faits pour la néceflité publique, font peut-être les plus
beaux &les plus magnifiques monumens des Orientaux;
il y a des réfervoirs qui ont jufqu’à deux lieües de furface,
6c qui fervent à arrofer & à abreuver une province entière
, au moyen des faignées 6c des petits ruilfeaux qu’on
en dérive de tous côtés. Dans d’autres pays au contraire,
comme dans les plaines où coulent les grands fleuves de
la terre, on ne peut pas fouiller un peu profondément
fans trouver de l’eau, & dans un camp fitué aux environs
d’une rivière, fouvent chaque tente a fon puits au moyen
de quelques coups de pioche.
Cette quantité d’eau qu’on trouve par-tout dans les
lieux bas, vient des terres fupérieures 6c des collines voilâtes,
au moins pour la plus grande partie; car dans le
temps des pluies & de la fonte des neiges, une partie des
eaux coule fur la furface de la terre , 6c le relie pénètre
dans l’intérieur à travers les petites fentes des terres &
des rochers, & cette eau fourcille en diflerens endroits
lorlqu’elle trouve des ilfues, ou bien elle le filtre dans
les fables, 6c lorfqu’elle vient à trouver un fond de glaife
ou de terre ferme & folide, elle forme des lacs, des ruif-
feaux, Sc peut-être des fleuves foûterrains dont le cours
6c l’embouchure nous font inconnus, mais dont cependant
par les loix de la Nature le mouvement ne peut le
faire qu’en allant d’un lieu plus élevé dans un lieu plus
bas, & par conféquent ces eaux foûterraines doivent
Th é o r i e de la T erre. ho
tomber dans la mer ou fe ralfembler dans quelque lieu
bas de la terre, foit à la furface, foit dans l’intérieur du
globe; car nous connoilfons fur la terre quelques lacs
dans lefquels il n’entre 6c defquels il ne fort aucune rivière,
& il y en a un nombre beaucoup plus grand qui
ne recevant aucune rivière confidérable, font les fources
des plus grands fleuves de la terre, comme les lacs du
fleuve Saint-Laurent, le lac Chiamé, d’où fortent deux
grandes rivières qui arrofent les royaumes d’Afem & de
Pegu, les lacs d’Aflïmpovals en Amérique, ceux d’Ozera
çnMofcovie, celui qui donne naiflance au fleuve Bog,
celui dont fort la grande rivière Irtis, &c. 6c une infinité
d ’autres qui femblent être les réfervoirs * d’où la Nature
verfe de tous côtés les eaux qu’elle diltribue fur la furface
de la terre. On voit bien que ces lacs ne peuvent être
produits que par les eaux des terres lupérieures qui coulent
par de petits canaux foûterrains en fe filtrant à travers
les graviers 6c les fables, 6c viennent toutes fe ralfembler
dans les lieux les plus bas où fe trouvent ces grands amas
d’eau. Au relie il ne faut pas croire, comme quelques
gens l’ont avancé, qu’il fe trouve des lacs au lommet
des plus hautes montagnes; car ceux qu’on trouve dans
les Alpes 6c dans les autres lieux hauts, font tous furmon-
tez par des terres beaucoup plus hautes, & font au pied
d ’autres montagnes peut-être plus élevées que les premières,
ils tirent leur origine des eaux qui coulent à
1 extérieur ou fe filtrent dans l’intérieur de ces montagnes.
* Voyez les preuves, art. 11.