68 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
en comparaifon des grands fyftèmes dont nous venons
de parler; mais on doit fe fouvenir qu’un Hiftorien eft
fait pour décrire & non pour inventer, qu’il ne doit fe
permettre aucune fuppofition, & qu il ne peut faire ufage
de fon imagination que pour combiner les obfervations,
généralifer les faits, & en former un enfemble qui pre-
fente à l’efprit un ordre méthodique d’idees claires & de
rapports fuivis & vrai-femblables; je dis vrai-femblables,
car il ne faut pas efpérer qu on puiffe donner des de-
monftrations exaétes fur cette matière, elles n’ont lieu
que dans les fciences mathématiques, & nos connoiflan-
ces en Phyfique & en Hiftoire Naturelle dépendent de
l’expérience & fe bornent a des inductions.
Commençons donc par nous reprefenter ce que 1 expérience
de tous les tems & ce que nos propres, obfervations
nous apprennent au flijet de la terre. Ce globe
immenfe nous offre à la furface, des hauteurs, des profondeurs,
des plaines, des mers, des marais, des fleuves,
des cavernes, des gouffres, des volcans, & a la première
infpeéfion nous ne découvrons en tout cela aucune régularité,
aucun ordre. Si nous pénétrons dans fon intérieur,
nous y trouvons des métaux, des minéraux, des pierres,
des bitumes, des fables, des terres, des eaux & des matières
de toute efpèce, placées comme au hafard &fans,
aucune règle apparente ; en examinant avec plus d attention,
nous voyons des montagnes * affaiffées, des rochers.
* Vid. Sente, quoefl.lib. 6. cap. 21. | cap. 18. Plia. lit. 2 .cap; 19. Hift.xfe
Strab. Geograph.lib, J. Oroftuslib. 2, j i’Acad, des Se..année i/o 8; g. 23*
T h é o r i e de la T e rr e . 69
fendus & brifez, des contrées englouties, des ifles nouvelles,
des terrains fubmergez, des cavernes comblées;
nous trouvons des matières pefantes fouvent pofées fur
des matières légères, des corps durs environnez de fub-
ftances molles, des chofes sèches, humides, chaudes,
froides, folides, friables, toutes mêlées & dans une efpèce
de confufion qui ne nous préfente d’autre image que celle
d’un amas de débris & d’un monde en ruine.
Cependant nous habitons ces ruines avec une entière
fécurité; les générations d’hommes, d’animaux, de plantes
fe fuccèdent fans interruption , la terre fournit abondamment
à leur fubfiffance; la mer a des limites & des loix,,
fes mouvemens y font affujétis, l’air a fes courans* réglez,,
les faifons ont leurs retours périodiques & certains, la-
verdure n’a jamais manqué de fuccéder aux frimats : tout
nous paraît être dans l’ordre; la terre qui tout à l’heure
n’étoit qu’un cahos,eft un féjour délicieux où régnent le
calme & l’harmonie,où tout eft animé & conduit avec une
puifîanee &une intelligence qui nous, rempliffent d’admiration
& nous élèvent jufqu’au Créateur.
Ne nouspreffons donc pas de prononcer fur [’irrégularité
que nous voyons à la lùrfaee de la terre, & fur le
défordre apparent qui fe trouve dans fon intérieur, car-
nous, en reconnoîtrons bien-tôt l’utilité & même la né-
eeftîté ; & en y faifant plus d’attention nous y trouverons1
peut-être un ordre que nous ne foupçonnions pas, & desrapports
généraux que nous n’apercevions pas au premier
* Voyez les preuves ; art,..14..
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