» félon que lèvent emportoit les nues auxquelles ils etoient
5» attachez, & malgré l’impulfion du vent, non feulement
» ils ne fe détachoient pas, mais encore il fembloit qu ils
» s’alongeaffent pour les fuivre, en s’étréciffant & fe grof-
» fiffant à mefùre que le nuage s’élevoit ou fe baiffoit.
» Ces phénomènes nous causèrent beaucoup de frayeur,
» & nos matelots au lieu de s’enhardir, fomentoient leur
» peur par les contes qu’ils débitoient. Si ces trombes,
» difoient - ils , viennent à tomber fur notre vaiffeau, elles
» l’enleveront, & le laiffant enfuite retomber, elles le fub-
» mergeront; d’autres (& ceux-ci étoient les Officiers)
» répondoient d’un ton décifif qu’elles n’enleveroient pas
» le vaiffeau, mais que venant à le rencontrer fur leur route,
» cet obftacle romprait la communication qu’elles avoient
» avec l’eau de la mer, & qu’étant pleines d’eau, toute 1 eau
jf qu’elles renfermoient, tomberait perpendiculairement fur
» le tillac du vaiffeau & le briferoit.
> Pour prévenir ce malheur on amena les voiles & on
» chargea le canon ; les gens de mer prétendant que le bruit
» du canon agitant l’air, fait crever les trombes & les diffipe,
» mais nous n’eûmes pas befoin de recourir à ce remède;
» quand elles eurent couru pendant dix minutes autour du
» vaiffeau, les unes à un quart de lieue , les autres à une
moindre diftance,nous vîmes que les canaux s’étréciffoient
» peu à peu, qu’ils fe détachèrent de la fuperficie de la mer,
& qu’enfin ils fe diffipèrent. » Pag. n /, rom. i.
Il paraît par la defcription que ces deux voyageurs
donnent des trombes, qu’elles font produites, au moins
en partie, par i’aélion d ’un feu ou d’une fumée qui s’élève
du fond de la mer avec une grande violence, & qu’elles
font fort différentes de l’autre efpèce de trombe qui eft
produite par l’aétion des vents contraires, & par la com-
preffion forcée & la refolution ffibite d’un ou de plufieurs
nuages > comme les décrit M. Shaw ,Pag-J^> tom.2. « Les
trombes, dit-il, que j’ai eu occafion de voir, m’ont paru «
autant de cylindres d eau qui tomboient des nuées, quoi- «
que parla reflexion des colonnes qui defeendent ou parler «
gouttes quifo détachent de l’eau qu’elles contiennent & qui «
tombent, il femble quelquefois, fur-tout quand on en eft à «
quelque diftance, que l’eau s’élève de la mer en haut. Pour «
rendre raifon de çe phénomène on peut ftippofer que les «
nuees étant affemblées dans un même endroit par des vents «
oppofez, ils les obligent, en les preffant avec violence, de «
fe condenfer & de defeendre en tourbillons. »
Il refte beaucoup de faits à acquérir avant qu’on puiffe
donner une explication complette de ces"phénomènes; il
me paraît feulement que s’il y a fous les eaux de la mer
des terreins melez de foufre, de bitume & de minéraux,
comme l’on n’en peut guère douter, on peut concevoir
que ces matières venant à s’enflammer, produifent une
grande quantité d’air * comme en produit la poudre à
canon , que cette quantité d’air nouvellement généré &
prodigieufement raréfié, s’échappe & monte avec rapidité,
ce qui doit élever l’eau & peut produire ces trombes qui
s’élèvent de la mer vers le ciel ; & de même fi par l’inflammation
des matières fulphureufes que contient un nuage,
* Voyez l’Analyfe de l’Air de M. Haies, & le Traité de l’Artillerie
de M, Robins.
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