yS H i s t o i r e N a t u r e l l e .
pas poffible qu’une auffi grandea multitude d’animaux ait
été tout-à-la-fois vivante en même temps : cela femble
prouver auffi que quoique les matières qui compofent la
fur face de la terre fulfent alors dans un état de mollelïê
qui les rendoit fufceptibles d’être aifément divifées ,
remuées & tranlportées par les eaux, ces mouvemens ne
fe font pas faits tout à coup, mais fucceffivement & par
degrés , & comme on trouve quelquefois des productions
de la mer à mille & douze cens pieds de profondeur
, il paraît que cette épailfeur de terre ou de pierre
étant fi confidérable , il a fallu des années pour la produire
: car quand on voudrait fuppofer que dans le
déluge univerfel tous les coquillages euffent été enlevez,
du fond des mers & tranfportez fur toutes les parties de
la terre, outre que cette fuppofition ferait difficile à établir11,
il efl clair que comme on trouve ces coquilles incorporées
& pétrifiées dans les marbres & dans les rochers
des plus hautes montagnes, il faudrait donc fuppofer que
ces marbres & ces rochers euffent été tous formez en
même temps & précifément dans i’inftant du déluge, &
qu’avant cette grande révolution il n’y avoit fur le globe
terreftre ni montagnes, ni marbres, ni rochers , ni craies,
ni aucune autre matière femblable à celles que nous con-
noiffons , qui prefque toutes contiennent des coquilles
& d’autres débris des productions de la mer. D ’ailleurs
la furface de la terre devoit avoir acquis au temps du
déluge un degré confidérable de folidité, puifque la gravité
» Voyez les preuves, art. 8. | b Voyez les preuves, art. 5.
T h é o r i e de la T e r r e . 7 9
avoit agi fur les matières qui la compofent , pendant
plus de feize fiècles , & par conféquent il ne paraît pas
poffible que les eaux du déluge aient pû bouleverfer les
terres à la furface du globe jufqu’à d’auffi grandes profondeurs
dans le peu de temps que dura l’inondation
univerfelle.
Mais fans infifter plus long-temps fur ce point qui fera
difcuté dans la fuite, je m’en tiendrai maintenant aux
obfervations qui font confiantes , & aux faits qui font
certains. On ne peut douter que les eaux de la mer n’aient
féjourné fur la furface de la terre que nous habitons, &
que par conféquent cette même furface de notre continent
n’ait été pendant quelque temjps le fond d’une
mer, dans laquelle tout fe paffoit comme tout fe paffe
actuellement dans la mer d’aujourd’hui : d’ailleurs les couches
des différentes matières qui compofent la terre étant,
comme nous l’avons remarqué*, pofées parallèlement
& de niveau, il eft clair que cette pofition eft l’ouvrage
des eaux qui ont amaffé & accumulé peu à peu ces matières
& leur ont donné la même fituation que l’eau
prend toûjours elle-même, c’eft-à-dire, cette fituation
horizontale que nous obfervons prefque par - tout ; car
dans les plaines les couches font exactement horizontales,
& il n’y a que dans les montagnes où elles foient inclinées
, comme ayant été formées par des fédimens dépo-
fez fur une bafe inclinée, e’efl-à-dire, fur un terrein penchant
: or je dis que ces couches ont été formées peu à
peu , & non pas tout d’un coup par quelque révolution.
* Voyez les preuves, art. y..