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élevez, une épaiffeur de terre labourable auffi confidera-
ble ; ordinairement les terres ont trois ou quatre pieds, &
fouvent elles n’ont pas un piedd’épaiffeur. Dans les plaines
environnées de collines cette épaiffeur de bonne terre eft
plus grande, parce que les pluies détachent les terres de
ces collines & les entraînent dans les vallées, mais en ne
fuppofant ici rien de tout cela, je vois que les dernières
couches formées par les eaux de la mer font des lits de
marne fort épais; il eft naturel d’imaginer que cette marne
avoit au commencement une épaiffeur encore plus grande,
& que des 13 pieds qui compofent l’épaiffeur de
la couche fupérieure il y en avoit plufieurs de marne
lorfque la mer a abandonné ce pays & a iaiffé le terrein
à découvert. Cette marne expofée à l’air fe fera fondue
par les pluies, l’aélion de l’air & de Ja chaleur du foleil
y aura produit des gerçures, de petites fentes, & elle aura
été altérée par toutes ces caufes extérieures au point de
devenir une matière divifée & réduite en pouffière à la
furface, comme nous voyons la marne que nous tirons
de la carrière tomber en poudre lorfqu’on la laiffe expofée
aux injures de l’air : la mer n’aura pas quitté ce
terrein fi brufquement qu’elle ne l’ait encore recouvert
quelquefois, loit par les alternatives du mouvement des
marées, foit par l’élévation extraordinaire des eaux dans
les gros temps, & elle aura mêlé avec cette couche de
marne, de la vafe, de la boue & d’autres matières limon-
neufes; lorfque le terrein fe fera enfin trouvé to u t-à -
fait élevé au deffus des eaux, les plantes auront commencé
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à y croître , & c’eft alors que le limon des pluies &
des rofées aura peu à peu coloré & pénétré cette terre,
& lui aura donné un premier degré de fertilité que les
hommes auront bien-tôt augmentée par la culture , en travaillant
& divifànt la furface, & donnant ainfi au limon
des rofées & des pluies la facilité de pénétrer plus avant,
ce qui à la fin aura produit cette couche de terre franche
de 13 pieds d’épaiffeur.
Je n’examinerai point ici fi la couleur rougeâtre des
terres végétales, qui eft auffi celle du limon de la roféé
& des pluies, ne vient pas du fer qui y eft contenu ; ce
point, qui ne laiffe pas que d’être important, fera difcuté
dans notre difcours fur les minéraux : il nous fuffit d’avoir
expofé notre façon de concevoir la formation de lacou-
'chè fuperficielle de la terre, & nous allons prouver par
d’autres exemples que la formation des couches intérieures
ne peut être que l’ouvrage des eaux.
La furface du globe, dit Woodwârd, cette couche
extérieure fur laquelle les hommes & les animaux marchent,
qui fert de magafin pour la formation des végétaux
& des animaux, eft, pour la plus grande partie, compofée
de matière végétale ou animale qui eft dans un mouvement
& dans un changement continuel. Tous les animaux
& les végétaux qui ont exifté depuis la création du monde,
ont toûjours tiré fucceffivement de cette couche la matière
qui a compofé leur corps, & ils lui ont rendu à leur
mort cette matière empruntée, elle y refte, toûjours prête
à être reprife de nouveau & à fervir pour former d’autres
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