22 Ma n i è r e de t r a i t e r
pofition, fur la fubftance même de la chofe, & qu’on fe
fervira de ces élémens en petit ou en grand nombre, à
mefure qu’on en aura befoin ; de forte que fi un individu,
de quelque nature qu’il foit, eft d’une-figure affez fingu-
lière pour être toûjours reconnu au premier coup d’oeil,
on ne lui donnera qu’un nom ; mais fi cet individu a de
commun avec un autre la figure, & qu’il en diffère conf-
tamment par la grandeur, la couleur, la fubftance, ou par
quelqu’autre qualité très-fenfible, alors on lui donnera le
même nom, en y ajoutant un adjedif pour marquer cette
différence ; & ainfi de fuite, en mettant autant d’adjeétifs
qu’il y a de différences, on fera fûr d’exprimer tous les
attributs différens de chaque elpèce, & on ne craindra
pas de tomber dans les inconvéniens des méthodes trop
particulières dont nous venons de parler, & fur lefqueHes
je me fuis beaucoup étendu, parce que c’eft un défaut
commun à toutes les méthodes de Botanique & d’Hiftoire
Naturelle, & que les fyftèmes qui ont été faits pour les
animaux font encore plus défectueux que les méthodes
de Botanique ; car, comme nous l’avons déjà infinué, on
a voulu prononcer fur la reffemblance & la différence des
animaux, en n’employant que le nombre des doigts ou
ergots, des dents & des mammelles; projet qui reffemble
beaucoup à celui des étamines, & qui eft en effet du
même Auteur.
Il réfulte de tout ce que nous venons d’expofer,
qu’il y a dans l’étude de l’Hiftoire Naturelle deux ecueils
également dangereux, le premier, de n’avoir aucune
méthode, & le fécond, de vouloir tout rapporter à un
fyftème particulier. Dans le grand nombre de gens qui
s’appliquent maintenant à cette fcience , on pourvoit
trouver des exemples frappans de ces deux manières fi
oppofées, & cependant toutes deux vicieufes : la plupart
de ceux qui, fans aucune étude précédente de l’Hiftoire
Naturelle, veulent avoir des cabinets de ce genre, font
de ces perfonnes aifées, peu occupées, qui cherchent à
s’amufer, & regardent comme un mérite d’être mifes au
rang des curieux; ces gens-là commencent par acheter,
fans choix, tout ce qui leur frappe les yeux; ils ont l’air
de defirer avec paffion les ehofes qu’on leur dit être rares
& extraordinaires, ils les eftiment au prix qu’ils les ont
acouifes, ils arrangent le tout avec complaifance, ou l’en-
taffentavec confufion,&fini fient bien tôt parlé dégoûter:
d ’autres au contraire , & ce font les plus fçavans, après
s’être remplis la tête de noms, de phrafe-s, de méthodes
particulières, viennent à en adopter quelqu’une, ou s’occupent
à en faire une nouvelle, & travaillant ainfi toute
leur vie fur une même ligne & dans une fauffe direétion,
& voulant tout ramener à leur point de vue particulier,
ils fe rétréciffent l’efprit, ceffent de voir les objets tels
qu’ils font, & finiffent par embarraffer la fcience & la
charger du poids étranger de toutes leurs idées.
On ne doit donc pas regarder les méthodes que les
Auteurs nous ont données fur l’Hiftoire Naturelle en
général, ou fur quelques-unes de fes parties, comme les
fondemens de la fcience, & on ne doit s’en fervir que