fur les bords, ce qui les élève peu à peu au defîùs du
refte de la plaine.
Les fleuves font, comme l’on fçait, toujours plus larges
à leur embouchure ; à mefure qu’on avance dans les
terres & qu’on s’éloigne de la mer, ils diminuent de largeur,
mais ce qui eft plus remarquable & peut-être moins
connu , c’eft que dans l’intérieur des terres, à une distance
confidérable de la mer, ils vont droit & fuivent la
même direction dans de grandes longueurs, & a mefure
qu’ils approchent de leur embouchûre les finuofites de
leur cours fe multiplient. J’ai ouï dire à un Voyageur,
homme d’efprit & bon obfervateur *, qui a fait plufieurs
grands voyages par terre dans la partie de l’oueft de
l’Amérique feptentrionale, que les Voyageurs 6c meme
les Sauvages ne fe trompoient guère fur la diftance où ils
fe trouvoient de la mer; que pour reconnoître s’ils étoient
bien avant dans l’intérieur des terres, ou s’ils etoient dans
un pays voifin de la mer, ils fuivoient le bord d une grande
rivière, & que quand la direction de la rivière etoit
droite dans une longueur de quinze ou vingt lieues, ils
jugeoient qu’ils étoient fort loin de la mer ; qu’au contraire
fi la rivière avoit des finuofités &changeoitfouvent
de direétion dans fon cours, ils étoient affinez de n’être
pas fort éloignez de la mer. M. Fabry a vérifié lui-meme
cette remarque qui lui a été fort utile dans fes voyages-,
lorfqu’il parcouroit des pays inconnus & prefque inhabitez-
II y a encore une remarque qui peut être utile en pareil
* M. Fabry.
cas, c’eft que dans les grands fleuves il y a le long des
bords un remous confidérable, & d’autant plus confidérable
qu’on eft moins éloigné de la mer & que le lit du
fleuve eft plus large, ce qui peut encore fervir d’indice
pour juger fi l’on eft à de grandes ou à de petites diftances
de l’embouchure; & comme les finuofités des fleuves fe
multiplient à mefure qu’ils approchent de,la mer, il n’eft
pas étonnant que quelques-unes de ces finuofités venant
a s ouvrir, forment des bouches par-où une partie des
eaux du fleuve arrive à la mer, & c’eft une des raifons
pour quoi les grands fleuves fe divifent ordinairement en
plufieurs bras pour arriver à la mer.
Le mouvement des eaux dans le cours des fleuves,fe
fait d’une manière fort différente de celle qu’ont fuppo-
féeles Aüteurs qui ont voulu donner des théories mathématiques
fur cette matière ; non feulement la furface d’une
rivière en mouvement n’eft pas de niveau en la prenant
d’un bord à l’autre , mais même, félon les circonftances,
le courant qui eft dans le milieu eft confidérablement plus
élevé ou plus bas que l’eau qui eft près des bords; Iorf-
qu’une rivière groffit fubitement par la fonte des neiges >
ou lorfque par quelqu’autre caufe fa rapidité augmente, fi
la direélion de la rivière eft droite, le milieu de l’eau,
où eft le courant, s’élève 6c la rivière forme une efpèce
de courbe convexe ou d’élévation très-fenfible, dont le
plus haut point eft dans le milieu du courant ; cette élév-
vation eft quelquefois fort confidérable, 6c M. Hupeau,
habile ingénieur des ponts & chauffées, m’a dit avoir un
Y u iij