feront auffi difficiles à connoître que les caufes mêmes;
tout ce qui nous eft poftîble, c’eft d’apercevoir quelques
effets particuliers, de les comparer, de les combiner, &
enfin, d’y reconnoîtré plutôt un ordre relatif à notre propre
nature, qué convenable à l’exiftence des chofes que
nous confidérons.
Mais puilque c’eft la feule voie qui nous foit ouverte,
puifque nous n’avons pas d’autres moyens pour arriver
à la connoiffance des chofes naturelles, il faut aller juf-
qu’où cette route peut nous conduire, il faut raflembler
tous les objets, les comparer, les étudier, & tirer de leurs
rapports combinez toutes les lumières qui peuvent nous
aider à les apercevoir nettement & à les mieux connoître.
La première vérité qui fort de cet examen férieux de
la Nature , eft une vérité peut-être humiliante pour l’homme
; c’eft qu’il doit fe ranger lui-même dans la claffe des
animaux,‘ auxquels il reïïemble par tout cé qu’il a de
matériel, & même leur inftinét lui paraîtra peut-être
plus fur que fa raifon, & leur induftrie plus admirable que
fes arts. Parcourant enfuite fiicceflïvement & par ordre
les différens objets qui comp'ofent l’Univers, & fe mettant
à la tête de tous les êtres créez, il verra avec étonnement
qu’on peut defcendre par des degrés prefqu’in-
fenfibles, de la créature la plus parfaite jul'qU a la matière
la plus informe, de l’animal le mieux organifé jufqu’au
minéral le plus brut ; il reconnoîtra que ces nuances imperceptibles
font le grand oeuvre de la Nature ; il les
trouvera ces nuances, non feulement dans les grandeurs
& dans les formes, mais dans les mouvemens, dans les
générations, dans les fucceffions de toute efpèce.
En approfondiflant cette idée, on voit clairement qu’il
eft impoflible de donner un fÿftème général, une méthode
parfaite, non feulement pour l’Hiftoire Naturelle entière,
mais même pour une feule de fes branches ; car pour
faire un lyftème, un arrangement, en un mot une méthode
générale, il faut que tout y foit compris; il faut
divifer ce tout en différentes claffes, partager ces claffes
en genres, fous - divifer ces genres en efpèces , & tout
cela fuivant un ordre dans lequel il entre néceffairement
de l’arbitraire. Mais la Nature marche par des gradations
inconnues, & par confisquent elle ne peut pas fe prêter
totalement a ces divifions, puifqu’elle paffe d’une elpèce
a une autre efpece, & fouvent d ’un genre à un autre
genre, par des nuances imperceptibles ; de forte qu’il fe
trouve un grand nombre d’efpèces moyennes & d’objets
mi-partis qu’on ne fçait où placer, & qui dérangent néceffairement
le projet du fyftème général : cette vérité eft
trop importante pour que je ne l’appuie pas de tout ce qui
peut la rendre claire & évidente.
Prenons pour exemple la Botanique, cette belle partie
de l’Hiftoire Naturelle, qui par fon utilité a mérité de
tout temps d etre la plus cultivée, & rappelions à l’examen
les principes de toutes les méthodes que les Bota-
niftes nous ont données; nous verrons avec quelque fur-
prife qu ils ont eu tous en vue de comprendre dans Jeurs
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