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comme cle fignes dont on eft convenu pour s’entendre.
En effet, ce ne font que des rapports arbitraires & des
points de vûe différens fous lefquels on a confidéré les
objets de la Nature, & en ne faifànt ulàge des méthodes
que dans cet efprit, on peut en tirer quelqu’utilité ; car
quoique cela ne paroifle pas fort néceflaire, cependant
il pourrait être bon qu’on fçût toutes les -efpèqes de
plantes dont les feuilles fe reflemblent, toutes celles dont
les fleurs font femblables, toutes celles qui nourriflent
de certaines efpèces d’infeétes, toutes celles qui ont un
certain nombre d’étamines, toutes celles qui ont de certaines
glandes excrétoires; & de même dans les animaux,
tous ceux qui ont un certain nombre de mam-
melles, tous ceux qui ont un certain nombre de doigts.
Chacune de ces méthodes n’eft, à parler vrai, qu’un
Dictionnaire qù l’on trouve les noms rangez dans un
ordre relatif à cette idée, & par conféquent auffi arbitraire
que l’ordre alphabétique ; mais l’avantage qu’on en
pourrait tirer, c’eft qu’en comparant tous ces réfultats,
on fe retrouverait enfin à la vraie méthode, qui eft la
defcription complète & l’hiftoire exaéte de chaque chofe
en particulier.
C ’eft ici le principal but qu’on doive fe propofer: on
peut fe fervir d’une méthode déjà faite comme d’une
commodité pour étudier, on doit la regarder comme
une facilité pour s’entendre ; mais le feul & le vrai moyen
d ’avancer la fcience, eft de travailler à la defcription &
à l’hiftoire des différentes choies qui en font l’objet.
Les chofes par rapport à nous ne font rien en elles-
mêmes, elles ne font encore rien lojrfqu’elles ont un
nom, mais elles commencent à exifter pour nous iorf-
que nous leur connoiffons des rapports, des propriétés;
ce n’eft même, que par ces rapports que nous pouvons
leur donner une définition : or la définition telle qu’on
la peut faire par une phrafo, n’eft encore que la repré-:
Tentation très-imparfaite de la choie, & nous ne pouvons
jamais bien définir une chofe fans la décrire exaélement.
C ’eft cette difficulté de faire une bonne définition, que
l’on retrouve à tout moment dans toutes les méthodes,
dans tous les abrégés qu’on a tâché de faire pour foulager
la mémoire ; auffi doit-on dire que dans les chofes naturelles
il n’y a rien de bien défini que ce qui eft exaélement
décrit : or pour décrire exaélement, il faut avoir vu,
revu, examiné,:comparé la chofe qu’on veut décrire, Sc
tout cela fans préjugé, fans idée de fyftème, fans quoi la
defcription n’a plus le caraélère de la vérité, qui eft le feul
qu’elle puifle comporter. Le ftyle même de la defcription
doit être fimple, net & mefuré, il n’eft pas fufceptible
d’élévation, d’agrémens, encore moins d’écarts, de plai-
fanterié ou d’équivoque ; le feul ornement qu’on puifle
lui donner, c’eft de lanoblefle dans l’expreffion, du choix
& de la propriété dans les termes.
Dans le grand nombre d’Auteurs qui ont écrit fur
1 Hiftoire Naturelle, il y en a fort peu qui aient bien
décrit. Repréfenter naïyement & nettement les chofes,
fans les charger ni les diminuer, & fans y rien ajoûter de
Tome I. D