fon imagination, eft un talent d’autant plus louable qu’il
eft moins brillant, & qu’il ne peut être fenti que d’un
petit nombre de perfonnes capables d’une certaine attention
nécefïaire pour fuivre les chofes jufque dans les
petits détails : rien n’eft plus commun que des ouvrages
embarrafîèz d’une nombreufe & sèche nomenclature, de
méthodes -cnnuyeiffes & peu naturelles dont les Auteurs
croient fe -faire un -mérite ; Tien de fi rare que de trouver
de l’exadtitude dans les defcriptions, de la nouveauté dans
les faits , de la fin elle 'dans les obfervations.
Aldrovande, le plus laborieux & le plus fçavant de
tous dès'NaturSliftes,-a laifle après un travail de foixante
ans, des volumes immenfes fur l’Hiftoire Naturelle, qui
ont été imprimez fucceflivement, & la plûpart après fa
mort: on les réduirait àda dixième partie fi on en ôtoit
toutes les inutilités & toutes les chofes étrangères à fon
fujet, à cette prolixité près, qui, je l’avoue, eft accablante,
fes livres doivent être regardez comme ce qu’il
y a de mieux fur la totalité de ftHiftoire Naturelle ; le
plan de fon ouvrage eft bon, fes diftributions font fenfées,
fes divifions: bien marquées rfes defcriptionsaftez exaéles,
monotones, à la vérité, mais fidèles : l’hiftorrque eft moins
bon, fouvent il èft mêlé de fabuleux ,& l’Auteur y laifle
voir trop de penchant à la crédulité.
J ’ai été frappé en parcourant cet Auteur, d ’un défaut
ou d’un excès qu’on retrouve prefque dans tous les livres
faits il y a cent ou deux cens ans, & que les Sçavans
d’Allemagne ont encore aujourd’hui ; c’eft de cette
quantité d’érudition inutile dont ils grofijflent à deflein
leurs ouvrages, en forte que le fujet qu’ils traitent, eft noyé
dans une quantité de matières étrangères fur lefquelles
ils raifonnent avec tant de complaifiince & s’étendent
avec fi peu de ménagement pour les leéleurs, qu’ils
femblent avoir oublié ce qu’ils avoient à vous dire, pour
ne vous raconter que ce qu’ont dit les autres. Je me
repréfente un homme comme Aldrovande, ayant une
fois conçu le deflein de faire un corps complet d’Hiftoire
Naturelle, je le vois' dans la bibliothèque lire fuccef-
fivement les Anciens, les Modernes, les Philolophes,
les Théologiens, les Jurifconfultes, les Hiftoriens, les
Voyageurs, les Poètes, & lire fans autre but que de làifir
tous les mots , toutes les phrafes qui de près ou de loin
ont rapport à fon objet ; je le vois copier & faire copier
toutes ces remarques .& les ranger par lettres .alpbabé?
tiques, & après avoir rempli plufieurs ipot-te-feuilles de
notes de toute efp.è.ce, prifes fouvent fans examen & fans
choix., commencer à travailler un fujet particulier , & ne
vouloir rien perdre d e tout ce :qu’il # ^amaflè:; en forte
qu’à l’occafion de l’Hiftoire Naturelle du coq pu du
boeuf, il vous raconte tout ce qui a jamais .été dit des
coqs ou des boeufs , tout oe que fes Anciens en ont
penfé, tout ce qu’on a imaginé de leurs vertus, de leur
caraétère, de leur courage, .toutes les choies auxquelles
on a voulu les empIoyer,;tousles,.contes que les bonnes
femmes en ont faits, tous les miracles qu’on leur a fait
faire dans certaines religions, tous les fujets defuperftition
Dij