D ’ailleurs il ell aifé de fe convaincre que ce n’eft ni
dans un feul & même temps > ni par l’effet du deluge que
la mer a laiffé à découvert les continens que nous habitons;
car il ell certain par le témoignage des livres facrez
que le Paradis terreftre étoit en Afie, & que l’Afie étoit
un continent habité avant le déluge , par conféquent
ce n’eft pas dans ce temps que les mers ont couvert
cette partie confidérable du globe. La terre étoit donc
avant le déluge telle à peu près qu’elle eft aujourdhui;
& cette énorme quantité d’eau que la Juftice divine fit
tomber fur la terre pour punir l’homme coupable, donna
en effet la mort à toutes les créatures, mais elle ne pro-
duifit aucun changement à la furfaee de la terre, elle ne
détruifit-pas même les plantes, puifque la colombe rapporta
une branche d’olivier.
Pourquoi donc imaginer, comme l’ont fait la plupart
de nos Naturalises, que cette eau changea totalement la
furfaee du globe jufqu’à mille & deux mille pieds de
profondeur ! pourquoi veulent-ils que ce foit le déluge
qui ait apporté fur la terre les coquilles qu’on trouve à
fept ou huit cens pieds dans les rochers & dans les marbres
! pourquoi dire que c’eft dans ce temps que fe font
formées les montagnes &les collines ! & comment peut-
on fe figurer qu’il foit poflible que ces eaux aient amené
des maffes & des bancs de coquilles de cent lieues de
longueur Je ne crois pas qu’on puiffe perfifter dans cette
opinion, à moins qu’on n’admette dans le déluge un
double miracle, le premier pour l’augmentation des eaux,
& le
& le fécond pour le tranfport des. coquilles ; mais comme
il n’y a que le premier qui foit rapporté dans récriture
fainte, je ne vois pas qu’il foit néceffaire de faire un
article de foi du fécond.
I D ’autre côté, fi les eaux du déluge, après avoir féjourné
au deffus des plus hautes montagnes, fe fuffent enfuite
retirées tout à coup, elles auraient amené une fi grande
quantité de limon & d’immondices, que les terres Sauraient
point été labourables ni propres à recevoir des
arbres .& des vignes que plufieurs fiècles après cette inondation,
comme l’on fçait que dans le déluge qui arriva
en Grèce le pays fubmergé fut totalement abandonné &
ne put recevoir aucune culture que plus de trois fiècles
après cette inondation. Voyez A d a erud. Lipf. anno
I f y I , pag. ioo. Audi doit-on regarder le déluge uni-
verfel comme un moyen fiirnaturel dont s:elt fervi la
Touté-puiffànce divine pour le châtiment des hommes,
& non comme un effet naturel jdans lequel tout fe ferait
paffé félon les loix de la Phyfique. Le déluge univerfel
ell donc un miracle dans la caufe & dans fes effets;
on voit clairement parle texte de l’écriture làinte, qu’il a
fervi uniquement pour détruire l’homme & les animaux, &
qu’il n’a changé en aucune façon la terre, puifqu’après la
retraite des eaux les montagnes, & même les arbres,étoient
à leur place, & que la furfaee de la terre étoit propre à
recevoir la culture & à produire des. vignes & des fruits.
Gomment toute la race des poiffons qui n’entra pas dans
l’arche, aurait-elle pû être confervée fi la terre eut été
Tome 1. * C e