J ’ai même fait une obfervation en cherchant c.es coquilles,
qui peut être de quelque utilité, c’eft que dans
tous les pays où l’on trouve dans les champs & dans les
terres labourables un très-grand nombre de ces coquilles
pétrifiées, comme pétoncles, coeurs de boeuf, &c. entières
, bien confervées, & totalement féparées, on peut
être afiuré que la pierre de ces pays eft gélifie. Ces coquilles
ne s’en font féparées en fi grand nombre que par
l’aétion de la gelée, qui détruit la pierre & lailfe fubfifter
plus long-temps la coquille pétrifiée.
Cette immenfe quantité de folfiles marins que l’on
trouve en tant d’endroits, prouve qu’ils n’y ont pas été
tranfportez par un déluge ; car on obferve plufieurs milliers
de gros rochers & des carrières dans tous les pays
où il y a des marbres & de la pierre à chaux, qui font
toutes remplies de vertèbres d’étoiles de mer, de pointes
d ’ourfins, de coquillages & d’autres débris de productions
marines. Or fi ces coquilles qu’on trouve par-tout eulfent
été amenées fur la terre sèche par un déluge ou par une
inondation , la plus grande partie ferait demeurée fur la
furface de la terre, ou du moins elles ne feraient pas enterrées
à une grande profondeur, & on ne les trouverait
pas dans les marbres les plus folides à fept ou huit cens
pieds de profondeur.
Dans toutes les carrières ces coquilles font partie de la
pierre à l’intérieur, & on en voit quelquefois à l’extérieur
qui font recouvertes de ftalaétites qui, comme l’on fçait,
ne font pas des matières auffi anciennes que la pierre qui
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contient les coquilles : une fécondé preuve que cela n’eft
point arrivé par un déluge, c’eft que les os, les cornes,
les ergots, les ongles, &c. ne le trouvent que très-rarement,
& peut-être point du tout, renfermez dans les
marbres & dans les autres pierres dures, tandis que fi c’é-
toit l’effet d’un déluge où tout aurait péri, on y devrait
trouver les reftes des animaux de la terre auffi-bien que
ceux des mers. Voye^ Ray’s Difcourfes,pag. jy 8 dr fu iv •
C eft, comme nous l’avons d it, une fuppofition bien
gratuite, que de prétendre que toute la terre a été difloute
dans 1 eau au temps du déluge; & on ne peut donner
quelque fondement à cette idée, qu’en fuppofant un fécond
miracle qui aurait donné à l’eau la propriété d ’un
dilfolvant univerlel, miracle dont il n’eft fait aucune mention
dans 1 écriture làinte ; d’ailleurs, ce qui anéantit la
fuppofition & la rend même contradictoire, 'c’eft que
toutes les matières ayant été diftoutes dans l’eau les coquilles
ne l’ont pas été, puifque nous les trouvons entières
& bien confervées dans toutes les mafles qu’on prétend
avoir ete diftoutes ; cela prouve évidemment qu’il n’y a
jamais eu de telle dilfolution, & que l’arrangement des
couches horizontales & parallèles ne s’eft pas fait en un
inftant, mais par les fédimens qui fe font amoncelez peu
à peu, & qui ont enfin produit des hauteurs confidèrables
par la fucceffion des temps ; car il eft évident pour tous
les gens qui le donneront la peine d’obferver, que l’arrangement
de toutes les matières qui compofent le globe, eft
1 ouvrage des eaux; il n’eft donc queftion que de fçavoir