cltins les détails. Une feule partie de 1 fhftoire Naturelle ,
comme i'Hifîoire des lnfeétes, ou 1 Hiftoire des Plantes,
fuffit pour occuper plufieurs hommes ; & les plus habiles
Obfervateurs . n’ont donné après un travail de plufieurs
années, que des ébauches affez imparfaites des objets
trop multipliez que préfentent ces branches particulières
de l’Hifloire Naturelle, auxquelles ils s’étoient uniquement
attachez ; cependant ils ont fait tout ce qu ils
poüvoient faire, & bien loin de s en prendre aux Obfëf-
vateurs, du peu d avancement de la Science, on ne
fçauroit trop louer leur afliduité ,au travail.& leur patience,
on ne peut même leur refufer des qualités plus élevées;
car il y a une efpèce de force de génie & de courage
d ’efprit à pouvoir envifager, fans s’étonner, la Nature
dans la multitude innombrable de fes productions, & à
fe croire capable de les comprendre & de les comparer,
il y a une efpèce de goût à les aimer, plus grand que le
goût qui n’a pour but que des objets particuliers ; & I on
peut dire que l’amour de l’étude de la Nature fuppofe
dans l’efprit deux qualités qui paroiffent oppofées, les
grandes vûes d’un génie ardent qui embraffe tout d un
coup d’ceil, & les petites attentions d un inftinét laborieux
qui ne s’attache qu’à un feul point.
Le premier obftacle qui fe préfente dans l’étude de
l’Hiftoire Naturelle, vient de cette grande multitude
d ’objets ; mais lavariété de ces memes objets, & la difficulté
de raffembler les productions diverfes des differens
climats, forment un autre obftacle à l’avancement de nos
l’H i s t o i r e Na t u r e l l e . 5
connoiffances, qui paraît invincible, & qu’en effet le travail
feul ne peut furmonter; ce n’eft qu’à force de temps, de
foins, de dépenfes, & fouvent par des hafàrds heureux,
qu’on peut fe procurer des individus bien confervez de
chaque efpèce d’animaux, de plantes ou de minéraux,
& former une colleétion bien rangée de tous les ouvrages
de la Nature.
. Mais lorfqu’on eft parvenu à raffembler des échantillons
de tout ce qui peuple l’Univers, lorfqu’après bien des
peines on a mis dans un même lieu des modèles de tout ce
qui fe trouve répandu avec profufion fur la terre, & qu’on
jette pour la première fois les yeux fur ce magafin rempli
de chofes diverfes, nouvelles & étrangères, la première
fenfàtion qui en réfulte, eft un étonnement mêlé d’admiration,
& la première réflexion qui fuit, eft un retour
humiliant fur nous-mêmes. On ne s’imagine pas qu’on
puiffe avec le temps parvenir au point de reconnoître tous
ces différens objets, qu’on puiffe parvenir non feulement
à les reconnoître par la forme, mais encore à fçavoir tout
ce qui a rapport à la naiflànce, la production, l’organifà-
tion, les ufages, en un mot à l’hiftoire de chaque chofe en
particulier : cependant, en fe familiarifant avec ces mêmes
objets, en les voyant fouvent, &, pour ainfi dire, fans
deffein, ils forment peu à peu des impreffions durables,
qui bien tôt fe lient dans notre efprit par des rapports fixes
& invariables ; & de-là nous nous élevons à des vûes plus
générales, par lefquelles nous pouvons embraffer à la fois
plufieurs objets différens ; & c’eft alors qu’on eft en état