58 M a n i è r e ' de t r a i t e r
mettre en réferve, en attendant qu’un plus grand nombre
d’obfervations & une plus longue expérience nous
apprennent d’autres faits & nous découvrent la caufe
phyfique, c’eft - à - dire,- l’effet général dont ces effets
particuliers dérivent. C ’eft ici où l’union des deux Icien-
ces Mathématique & Phyfique peut donner de grands
avantages, l’une donne le combien, & 1 autre le comment
des chofes; & comme il s’agit ici de combiner &
d ’eftimer des probabilités pour juger fi un effet dépend
plutôt d’une caufe que d’une autre , lorfque vous avez
imaginé par (a Phyfique le comment, c’eft-à-dire, lorfque
vous avez vû qu’un tel effet pourrait bien dépendre
de telle caufe, vous appliquez enl'uite le calcul pour vous
aflùrer du combien de cet effet combiné avec fa caufe,
& fi vous trouvez que le réfultat s’accorde avec les obfer-
vations, la probabilité que vous avez deviné jufte, augmente
fi fort qu’elle devient une certitude; au lieu que
fans ce fecours elle feroit demeurée firnple probabilité.
Il eft vrai que cette union des Mathématiques & de la
Phyfique ne peut le faire que pour un très-petit nombre
defujets; il faut pour cela que les phénomènes que nous
cherchons à expliquer, liaient liifceptibles d etre confr-
dérez d’une manière abftraite, & que de leur nature ils
foient dénuez de prefque toutes qualités phyfiques, car
pour peu qu’ils foient compofez, le calcul ne peut plus
s’y appliquer. La plus belle & la plus heureufe application
qu’on en ait jamais faite, eft au lyftème du monde; &
il faut avouer que fi Newton ne nous eût donne que les
idées phyfiques de fon lyftème, fans les avoir appuyées
l’H i s t o i r e N a t u r e l l ë . 5 9
lur des évaluations précifes & mathématiques, elles n’au-
roient pas eu à beaucoup près la même force ; mais on
doit fentir en même temps qu’il y a très - peu de fujets
auffi Amples, c’eft-à-dire, aulfi dénuez de qualités phyfiques
que l’eft celui-ci ; car la diftance des planètes eft
fi grande qu’on peut les confidérer les unes à l’égard des
autres comme n’étant que des points ; on peut en même
temps, fans fe tromper, faire abftraétion de toutes les
qualités phyfiques des planètes , & ne confidérer que
leur force d’attraélion : leurs mouvemens font d’ailleurs
les plus réguliers que nous connoilfions, & n’éprouvent
aucun retardement par la réfiftarice : tout cela concourt
à rendre l’explication du lyftème du monde un problème
de mathématique, auquel il ne falloit qu’une idée
phyfique heureufement conçue pour le réalifer ; & cette
idée eft d’avoir penfé que la force qui fait tomber les
graves à la furface de la terre, pourrait bien être la même
que celle qui retient la lune dans fon orbite.
Mais, je le répète, il y a bien peu de fujets en Phyfique
où l’on puiffe appliquer aufli avantageufement les
fciences abftraites, & je ne vois guère que l’Aftronomie
& l’Optique auxquelles elles puiffent être d’une grande
utilité ; l’Aftronomie par les iraifons que nous venons
d’expofer , .& l’Optique'parce que la lumière étant un
corps prefqu’infiniment petit, dont les effets s’opèrent
en ligne droite avec une vîteffe prefqu’infînie, fes propriétés
font prefque mathématiques , ce qui fait qu’on
peut y appliquer avec quelque fuccès le calcul & les
H i;