baffe, fans eaux, fans montagnes, peu habitée, dont les
naturels font fauvages & fans induftrie ; tout cela concourt
à nous faire penfer qu’ils pourraient être dans ce continent
à peu près ce que les fauvages des Amazones ou
du Paraguai font en Amérique. On a trouvé des hommes
policez, des empires & des Rois au Pérou, au Mexique,
c ’eft-à-dire, dans les contrées de T Amérique les plus
élevées, & par conféquent les plus anciennes ; les fàuva-
ges au contraire fe font trouvez dans les contrées les
plus baffes & les plus nouvelles : ainfi on peut préfumer
que dans l’intérieur des terres auftrales on trouverait aulîi
des hommes réunis en fociété. dans les contrées élevées,
d ’où ces grands fleuves qui amènent à la mer ces glaces
prodigieufes tirent leur fource.
L ’intérieur de l’Afrique nous eft inconnu, prefqu’autant
qu’il l’étoit aux anciens; ils avoient, comme nous,
fait le tour de cette prefqu’ifie par mer, mais à la vérité
ils ne nous avoient laiffé ni cartes ni defcription de ces
côtes. Pline nous dit qu’on avoit, dès le temps d’Alexandre,
fait le tour de l’Afrique, qu’on avoit reconnu
dans la mer d’Arabie des débris de vaiffeaux Elpagnols,
& que Hannon Général Carthaginois avoit fait le voyage
depuis Gades jufqu a la mer d’Arabie, qu’il avoit même
donné par écrit la relation de ce voyage. Outre cela,
dit-il, CornéliusNepos nous apprend que de fon temps
un certain Eudoxe perfécuté par le Roi Lathurus fut
obligé de s’enfuir ; qu’étant parti du golfe Arabique
» il étoit arrivé à Gades, & qu’avant ce temps on
T h é o r i e d e l a T e r r e .
commerçoit d Eipagne en Ethiopie par la mer. Voye^
Pline, Hiß. Hat. tom. i. lib. 2. Cependant malgré ces
témoignages des anciens, on s’étoit perlùadé qu’ils n’a-
voient jamais doublé le cap de Bonne-efpérance, & l’on
a regardé comme une découverte nouvelle cette route
que les Portugais ont prife les premiers pour aller aux
grandes Indes : on ne fera peut-être pas fâché de voir ce
qu’on en croyoit dans le neuvième fiècle,
« On a découvert de notre temps une chofe toute
nouvelle, & qui étoit inconnue autrefois à ceux qui ont «
vécu avant nous. Perfonne ne croyoit que la mer qui «
s’étend depuis les Indes jufqu’à la Chine, eût communi- «
cation avec la mer de Syrie, & on ne pouvoit fe mettre «
cela dans l’efprit. Voici ce qui eft arrivé de notre temps, «
félon ce que nous en avons appris : on a trouvé dans la «
mer de Roum ou méditerranée les débris d ’un vaiffeau «
Arabe que la tempête avoit brifé, & tous ceux qui le «
montoient étant péris , les flots l’ayant mis en pièces, elles «
furent portées par le vent & par la vague jufque dans la «
mer des Cozars, & de là au canal de la mer méditerranée, «
d ’où elles furent enfin jetées fur la côte de Syrie. Cela «
fait voir que la mer environne tout le pays de la Chine «
& de Cila, l’extrémité du Turqueftan & le pays des «-
Cozars ; qu’enfuite elle coule par le détroit jufqu’à ce «
qu’elle baigne la côte de Syrie. La preuve eft tirée de la «
conftruétion du vaiffeau dont nous venons de parler; car «
il n’y a que les vaiffeaux de Siraf, dont la fabrique eft «
telle que les bordages ne font point clouez, mais joints «
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