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des eaux détruira peu à peu ces barrières, & dès-lors
ces pays feront fubmergez. De plus ne fçait-on pas que
les montagnes s’abaiffent * continuellement par les pluies
qui en détachent les terres & les entraînent dans les
vallées! ne fçait-on pas que les ruilfeaux roulent les.
terres des plaines & des montagnes dans les fleuves, qui
portent à leur tour cette terre fuperflue dans la mer ! ainu
peu à peu le fond des mers fe remplit, la lùrface des
continens s’abaiffe & fe met de niveau, & il ne faut que
du temps pour que la mer prenne fucceflivement la place
de la terre.
Je ne parle point de ces caufes éloignées qu on pre-
yoit moins qu’on ne les devine, de ces feeoufles de la
Nature dont le moindre effet feroit la cataftrophe du
monde: le choc ou l’approche d’une comète, 1 abfence
de la lune, laprélènce d ’une nouvelle planète, &c. font
des fuppofitions fur lefquelles il eft aifé de donner carrière
à fbn imagination; de pareilles caufes produifent tout ce
qu’on veut, & d ’une feule de ces hypothèfes on va tirer
mille romans phyfiques que leurs Auteurs appelleront
Théorie de la Terre. Comme Jiiftoriens nous nous refu-
fons à ces vaines fpéculations, elles roulent fur des pof-
fibilités qui, pour le réduire à l’aéte, fuppofent un boule -
verfement de l’Univers, dans lequel notre globe, comme
un point de matière abandonnée, échappe a nos
yeux & n’eft plus un objet digne de nos regards; pour
les fixer il faut le prendre tel qu’il eft, en bien obferver
♦ Voyez jRay'j Difcourfes , pag. 22$, Plot Hift. Nat» &c»
toutes les parties1, & par des induélions conclurre du
préfent au palfé; d’ailleurs des caufes dont l’effet eft rare,
violent & fubit, ne doivent pas nous toucher, elles ne
fe trouvent pas dans la marche ordinaire de la Nature,
mais des effets qui arrivent tous les jours, des mouve-
mens qui fe fuccèdent & fe renouvellent fans interrup^
tion, des opérations confiantes & toujours réitérées, ce
font là nos caufes & nos raifons.
Ajoûtons-y des exemples, combinons la caufe générale
avec les caufes particulières, & donnons des faits
dont le détail rendra fenfibles les différens changemens
qui font arrivez fur le globe , foit par l’irruption de
l’Océan dans les terres, foit par l’abandon de ces mêmes
terres lorfqu’elles fe font trouvées trop élevées.
La plus grande irruption de l’Océan dans les terres
eft celle * qui a produit la merméditerranée ; entre deux
promontoires avancez l’Océan « coule avec une très-
grande rapidité par un paflage étroit, & forme enfuite
une vafte mer qui couvre urt efpace , lequel, fans y comprendre
la mer Noire, eft environ fept fois grand comme
la France. Ce mouvement de l’Océan par le détroit de
Gibraltar eft contraire à tous les autres mouvemens de
la mer dans tous les détroits qui joignent l’Océan à l’O céan
; car le mouvement général de la mer eft d’orient
en occident, & celui-ci feul eft d’occident en orient,
ce qui prouve que la mer Méditerranée n’eft point un
* Voyez les preuves, art 11. & 19. I c Voyez Tranf. Phil. Abrig’d. vol.
b Voyez Ray's Difcourfes, p.209. I 2. pag. 28p.
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