dans leurs voyages à la Coçhinchine une route beaucoup
plus longue qu’il n’étoit néceflaire î pourquoi fe bor-
noient - ils à faire toujours les mêmes voyages dont les
plus grands étoient à Java & à Sumatra! & pourquoi n’au-
roient-ils pas découvert avant les Européens une infinité
d ’illes abondantes & de terres fertiles dont ils font voifins,
s’ils avoient eu l’art de naviger en pleine mer! carpeu d’années
après la découverte de cette merveilleufe propriété
<le l’aimant., les Portugais firent de très-grands voyages, ils
doublèrent le cap de Bonne-efpérance, ils traversèrent les
mers de l’Afrique& des Indes, & tandis qu’ils dirigeoient
toutes leurs vues du .côté de l’orient & du midi, Christophe
Colomb tourna les fiennes vers l’occident.
Pour peu qu’on y fift attention, il étoit fort aifé de
.deviner qu’il y avoit des efjjaces immenfes vers 1 occident;
car en comparant la partie connue du globe , par
exemple, la difiance de i’Efpagne à la Chine, & fàifant
attention au mouvement de révolution ou de la terre ou
du ciel, il étoit aile de voir qu’il reftoit à découvrir une
bien plus grande étendue vers l’occident que celle qu’on
connoiffoit vers l’orient. Ce a ’eft donc pas par le défaut
des connoiffances afironomiques que les anciens n ont
pas trouvé le nouveau monde, mais uniquement par le
défaut de la bouflole; les paflàges de Platon & d’Arif-
tote, où ils parlent de terres fort éloignées au delà des
colonnes d ’Hercule, femblent indiquer que quelques
Navigateurs avoient été pouffez par la tempête jufqu’en
Amérique, d’où ils n’étoient revenus qu’avec des peines
T h é o r i e d e l a T e r r e . 2 2y
infinies ; & on peut conjeéfiurer que quand même les anciens
auraient été perfuadez de l’exiftence de Ce continent
par la relation de ces Navigateurs, ils n’auraient pas
même penfé qu’il fût polfible de s’y frayer des routes,
n’ayant aucun guide, aucune connoiffance de la bouflole.
• J ’avoue qu’il n’eft pas abfoiument impoffible de voyager
dans les hautes mers fans bouflole, & que des gens
bien déterminez auraient pû entreprendre d’aller chercher
le nouveau monde en fe conduifant feulement par
les étoiles voifines du pôle. L ’aftrolabe fur-tout étant
connu des anciens , il pouvoit leur venir dans l’efprit de
partir de France ou d ’Elpagne & de faire route vers
l’occident, én laiflant toujours l’étoile polaire à droite,
& en prenant fouvent hauteur pourfe conduire à peu près
fous le même parallèle; c’eft fans doute de cette façon
que les Carthaginois dont parle Ariftote , trouvèrent le
moyen de revenir de ces terres éloignées, en laiffant
l’étoile polaire à gauche ; mais on doit convenir qu’un
pareil voyage ne pouvoit être regardé que comme une
entreprife téméraire, & que par cortféquent nous ne
devons pas ctrè étonnez que les anciens n’en aient pas
même conçu le projet.
On avoit déjà découvert du temps de Chriflophe
Colomb les Açores, les Canaries, Madère: on avoit
remarqué que lorfqüe lés vents d’oueft avoient régné
long-temps, la mer amenoit fur les côtés de ces ifles des'
morceaux de bois étrangers, des cannes d’une efpèce
inconnue, & même des corps morts qu’on reconnoiffoit
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