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des principes & des eflais ; mais les uns ne nous ont laide
que l’hiftoire de leurs penfées, & les autres la fable de
leur imagination ; & fi quelques-uns fe font élevez à ce
haut point de Métaphyfique d’où l’on peut voir les principes
, les rapports & l’enfemble des Sciences, aucun
ne nous a fur cela communiqué fes idées ,' aucun ne
nous a donné des confeils, & la méthode de bien conduire
fon efprit dans les Sciences eft encore à trouver :
au défaut de préceptes on a fubftitué des exemples , au
lieu de principes on a employé des définitions, au lieu
de faits avérez, des fuppofitions hafardées.
Dans ce fiècle même où les Sciences paroilfent être
cultivées avec foin , je crois qu’il eft aifé de s’apercevoir
que la Philofophie eft négligée, & peut-être plus que
dans aucun autre fiècle; les arts qu’on veutappellerfcien-
tifiques, ont pris fa place ; les méthodes de Calcul & de
Géométrie, celles de Botanique & d’Hiftoire Naturelle,
les formules, en un mot, & les dictionnaires occupent pref-
que tout le monde; on s’imagine fçavoir davantage, parce
qu’on a augmenté le nombre des expreffions lÿmboliques
& des phrafes fçavantes, & on ne fait point attention que
tous ces arts ne font que des échafaudages pour arriver à la
fcience, & non pas la fcience elle - même, qu’il ne faut
s’en fervir que lorfqu’on ne peut s’en pafler , & qu’on
doit toujours fe défier qu’ils ne viennent à nous manquer
lorfque nous voudrons les appliquer à l’édifice.
La vérité, cet être métaphyfique dont tout le monde
croit avoir une idée claire, me paroît confondue dans un
fi grand nombre d’objets étrangers auxquels on donne
fon nom , que je ne fuis pas furpris qu’on ait de la peine
à la reconnoître. Les préjugés & les fauffes applications
fe font multipliez à mefure que nos hypothèfes ont été
plus fçavantes, plus abftraites & plus perfectionnées ; il
eft donc plus difficile que jamais de reconnoître ce que
nous pouvons fçavoir, & de le diftinguer nettement de
ce que nous devons ignorer. Les réflexions fuivantes
ferviront au moins d’avis fur ce fujet important.
Le mot de vérité ne fait naître qu’une idée vague , il
n’a jamais eu de définition précife'; - & la définition elle-
même prife dans un fens général & abfolu, n’eft qu’une
abftraétion qui n’exifte qu’en vertu de quelque fuppofi-
tion ; au lieu de chercher à faire une définition de la
vérité, cherchons donc à faire une énumération, voyons
de près ce qu’on appelle communément vérités , &
tachons de nous en former des idées nettes.
Il y a plufieurs efpèces de vérités, & on a coutume de
mettre dans le premier ordre les vérités mathématiques,
ce ne font cependant que des vérités de définition ; ces
définitions portent fur des fuppofitions Amples , mais,
abftraites , & toutes les vérités en ce genre ne font que
des conféquences compofées, mais toujours abftraites, de
ces définitions. Nous avons fait les fuppofitions, nous les
avons combinées de toutes les façons, ce corps de com-
binaifons eft la fcience mathématique ; il n’y a donc rien-
dans cette fcience .que ce que nous y avons mis, & les
vérités qu’on en tire ne peuvent être que des expreffions