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double , eft ou triple , ou quadruple, &c. eette vîtefle
dépend beaucoup plus de la quantité d eau & du poids
des eaux fupérieures que de la pente, & lorfqu on veut
creuferle lit d’un fleuve ou celui d’un égoût, &c. il ne faut
pas diflribuer la pente également fur toute la longueur, il
eft néceflàire, pour donner plus de vîtefle al' eau, de faire
la pente beaucoup plus, forte au commencement qu a
l’embouchûre.où elle doit être prefque infenfible, comme
nous le voyons dans les fleuves", lorfqu ils approchent de
leur embouchûre la pente eft prefque nulle, & cependant
ils ne Iaiflent pas de conferver une rapidité d’autant plus-
grande que le fleuve a plus d’eau, en forte que dans-les-
grandes rivières, quand même le terrein feroit de niveau,
l’eau ne laifleroit pas de couler, & même de couler rapidement,
non feulement par la vîtefle acquife , mais
encore par l’aétion & le poids des, eaux fupérieures. Pour
mieux faire fentir la vérité de ce que je viens de dire,
fuppofons que la partie de la Seine qui eft entre le Pont-
neuf & le .Pont-royal fût parfaitement de niveau, & que
par-tout elle eût dix pieds de profondeur; imaginons pour
* C’eft faute d’avoir fait ces réflexions que M. Kuhn dit que la
fource du Danube eft au moins de deux milles d'Allemagne plus élevée
que fon embouchûre ; que la mer méditerranée eft de 6f milles d’Allemagne
plus baffe que les fources du Nil ; que la mer atlantique eft plus
baffe d’un demi-mille que la méditerranée, &c. ce qui eft abfolument
contraire à la vérité : au relie le principe faux dont M. Kuhn tire toutes
ces conféquences, n’eft pas la feule erreur qui fe trouve dans cette pièce
fur l’origine des fontaines, qui a remporté le prix de 1 Academie de
Bordeaux en 1741*
un inftant que tout d’un coup on pût mettre à fec le lit
de la rivière au deflous du Pont-royal & au deflus du
Pont-neuf, alors l’eau qui feroit entre ces deux ponts,
quoique nous l’ayons fuppofée parfaitement de niveau,
coulera des deux côtés en haut & en bas, & continuera
de couler jufqu’à ce qu’elle fe foit épuifée ; car quoiqu’elle
fbit de niveau, comme elle eft chargée d’un poids de
dix pieds d’épaifleur d’eau, elle coulera des deux côtés
avec une vîtefle proportionnelle à ce poids, & cette vîtefle
diminuant toûjours à mefure que la quantité d’eau diminuera,
elle ne ceflera de couler que quand elle aura baifle
jufqu’au niveau du fond :1e poids de l’eau contribue donc
beaucoup a la vîtefle de l’eau, & c’eft pour cette raifon
que la plus grande vîtefle du courant n’eft ni à lafurface
de l’eau, ni au fond, mais à peu près dans le milieu de la
hauteur de l’eau, parce qu’elle eft produite par l’action
du poids de l’eau qui eft à la furface, & par la réaction
du fond. Il y a même quelque chofe de plus, c’eft que fi
un fleuve avoit acquis une très-grande vîtefle, il pourrait
non feulement la conferver en traverfant un terrein de
niveau, mais même il feroit en état de furmonter une
éminence fans fe répandre beaucoup des deux côtés, ou
du moins fans caufer une grande inondation.
On feroit porté à croire que les ponts, les levées & les
autres obftacles qu’on établit fur les rivières, diminuent
confidérablement la vîtefle totale du cours de l’eau, cependant
cela n’y fait qu’une très-petite différence. L’eau
s élève à la rencontre de l’avant-bec d’un pont, cette
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