s’élever plufieurs méthodes de Botanique, toutes fondées
à peu près fur ce même principe ; parmi ces méthodes
celle de M. de Tournefort eft la plus remarquable, la
plus ingénieufe, & la plus complète. Cet illuftre Botanifte
a fenti les défauts d’un fyftème qui ferait purement
arbitraire ; en homme d’efprit, il a évité les abfurdités qui
fe trouvent dans la plupart des autres méthodes de fes
Contemporains, &. il a fait fes diftributions & les exceptions
avec une fcience & une adrelfe infinies ; il avoit, en
un mot, mis la Botanique au point de fe palfer de toutes
les autres méthodes, & il l’avoit rendu fufceptible d’un
certain degré de perfeélion ; mais il s’eft élevé un autre
Méthodifte qui, après avoir loué fon fyftème, a tâché de
te détruire pour établir le lien, & qui ayant adopte avec
M. de Tournefort les caractères tirez de la fruétification,
a employé toutes les parties de la génération des plantes,
& fur-tout les étamines, pour en faire la diftribution de
fes genres; & méprifant la fage attention de M. de T ournefort
à ne pas forcer la Nature au point de confondre,
en vertu de fon lÿftème, les objets les plus différens,
comme les arbres avec les herbes, a mis enfemble &
dans les mêmes clalfes le mûrier & l’ortie, la tulipe &
l’épine-vinette, l’orme & la carotte, la rofe & la fraile,
le chêne & la pimprenelie. N’eft-ce pas fe jouer de la
Nature & de ceux qui l’étudient ï & fi tout cela n etoit pas
donné avec une certaine apparence d’ordre myftérieux,
& enveloppé de grec & d’érudition Botanique, auroit-on
tant tardé à faire apercevoir le ridicule d’une pareille
l’H i s t oi re N a t u r e l l e . 19
méthode , ou plutôt à montrer la confufion qui réfulte
d’un affemblage fi bizarre ï Mais ce n’eft pas tout, & je
vais infifter, parce qu’il eft jufte de conferver à M. de
Tournefort la gloire qu’il a méritée par un travail fenfé
& fuivi, & parce qu’il ne faut pas que les gens qui
ont appris la Botanique par la méthode de Tournefort,
perdent leur temps à étudier cette nouvelle méthode
où tout eft changé jufqu’aux noms & aux furnoms des
plantes. Je dis donc, que cette nouvelle méthode qui
raflemble dans la même clafle des genres de plantes entièrement
diflemblables, a encore indépendamment de
ces difparates, des défauts effentiels, & des inconvéniens
plus grands que toutes les méthodes qui ont précédé.
Comme les caractères des genres font pris de parties
prefqu’infiniment petites , il faut aller le microfcope à la
main, pour reconnoître un arbre ou une plante ; la grandeur,
la figure, le port extérieur, les feuilles, toutes les
parties apparentes ne fervent plus à rien, il n’y a que les
étamines, & fi l’on ne peut pas voir les étamines, on ne
fçait rien , on n’a rien vû. Ce grand arbre que vous
apercevez, n ’eft peut-être qu’une pimprenelie, il faut
compter fes étamines pour fçavoir ce que c’eft, & comme
ces étamines font fouvent fi petites qu’elles échappent
à l’oeil fimple ou à la loupe, il faut un microfcope ; mais
maiheureufement encore pour le fyftème, il y a des
plantes qui ri’ont point d’étamines, il y a des plantes dont
le nombre des étamines varie, & voilà la méthode en
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