de communication qu’on a prétendu reconnoître entre
ces deux mers, eft affez bien conftaté r car la mer Rouge
doit être plus élevée que la mer Méditerranée ; cette mer
étroite eft un bras de l’Océan qui dans toute fon étendue
ne reçoit aucun fleuve du cote de 1 Egypte, & fort peu
de l’autre côté : elle ne fera donc pas fujette à diminuer
comme les mers ou les lacs qui reçoivent en meme temps
les terres & les eaux que les fleuves y amènent, ôc qui le
rempliffent peu à peu. L Océan fournit a la mer Rouge
toutes fes eaux, & le mouvement du flux & du reflux y
eft extrêmement fenfible ; àinfi elle participe immédiatement
aux grands mouvemens de l’Océan. Mais la mer
Méditerranée eft plus baffe que l’Océan, puifque les
eaux y coulent avec une très-grande rapidité par le détroit
de Gibraltar : d’ailleurs elle reçoit le Nil qui coule parallèlement
à la côte occidentale de la mer Rouge ôc qui
traverfe l’Egypte dans toute fa longueur, dont le terrain
eft par lui-même extrêmement bas ; ainfi il eft tres-vrai-
femblable que la mer Rouge eft plus elevee que la Mediterranée,
& que fi on otoit la barrière en coupant
l ’ifthme de Suez, il s’enfùivroit une grande inondation
& une augmentation confiderable de la mer Mediterranee,
à moins qu’on ne retînt les eaux par des digues ôc des
éclufes de diftance en diftance, comme il eft a prefumer
qu’on l’a fait autrefois fi l’ancien canal de communication
a exifté.
Mais fans nous arrêter plus long-temps à des conjectures
qui, quoique fondées, pourroient paraître trop
hafardées,
T h é o r i e de la T e rre . 10 5
hafardées, fur-tout à ceux qui ne jugent des poftïbiiités
que par les événemens aétuels, nous pouvons donner
des exemples récens & des faits certains fur le changement
de mer en terre * & de terre en mer. A Venife le fond
de la mer Adriatique s’élève tous les jours, & il y a déjà
long-temps que les lagunes & la ville feraient partie du
continent, fi on n’avoitpas un très-grand foin de nettoyer
& vuider les canaux : il en eft de même de la plupart des
ports, des petites baies & des embouchûres de toutes
les rivières. En Hollande le fond de la mer siélève auffi
en plufieurs endroits, carie petit golfe de Zuyderzée&
le détroit du Texel ne peuvent plus recevoir de vaiffeaux
auffi grands qu’autrefois. On trouve à l’embouchure de
prefque tous les fleuves, des ifles, des fables, des terres
amoncelées ôc amenées par les eaux, &il n’eft pas douteux
que la mer ne fe rempliffe dans tous les endroits oh
elle reçoit de grandes rivières. Le Rhin fe perd dans les
fables qu’il a lui-même accumulez; le Danube, le ’Nil
& tous les grands fleuves ayant entraîné beaucoup de ter-
rein , n’arrivent plus à la mer par un feul canal, mais ils
ont plufieurs bouches dont les intervalles ne font remplis
que des fables ou du limon qu’ils ont chariez. Tous les
jours on defïeche des marais, on cultive des terres abandonnées
par la mer, on navige fur des pays fubmergez;
enfin nous voyons fous nos yeux d’affez grands change-
mens de terres en eau ôc d ’eau en terres, pour être a durez
que ces changemens fe font faits, fe font & fe feront;
* Voyez les preuves, art. io.
Tome I. O