
 
		Les  montagnes  de  l’Europe  &  de  1 Aile  qui  s etendent  
 depuis  l’Efpagne  jufqu a  la Chine,  ne font pas  aulfi  élevées  
 que celles de l’Amérique méridionale & de l’Afrique.  
 Les  montagnes  du Nord  ne  font,  au  rapport  des  voyageurs  
 , que  des collines en comparaifon de  celles des pays  
 méridionaux;  d’ailleurs  le  nombre  des  ifles  eft  fort  peu  
 confidérable  dans  les mers  feptentrionales,  tandis  qu’il y  
 en  a  une  quantité  prodigieufe  dans  la  zone  torride;  St  
 comme  une  ille n eft qu un  fommet de montagnes, il eft  
 clair que la furface de la terre a beaucoup plus d’inégalités  
 vers l’équateur que  vers  le  nord. 
 Le mouvement général du flux & du reflux a donc produit  
 les  plus  grandes  montagnes  qui fe trouvent  dirigées  
 d’occident en orient dans l’ancien continent, &du nordau  
 fud dans le  nouveau, dont les chaînes font d’une étendue  
 très-confidérabie ;  mais il faut  attribuer  aux  mouvemens  
 particuliers  des courans,  des vents & des autres agitations  
 irrégulières  de là mer,  l’origine de toutes les autres montagnes  
 ;  elles ont vrai-femblablement été produites par la  
 combinaifon  de tous ces mouvemens, dont on  voit bien  
 que  les  effets  doivent  être  variez  à  l’infini,  puifque  les  
 vents,  la  pofition  différente  des  ifles  &  des  côtes  ont  
 altéré de tous  les temps &  dans  tous les fens poffibles  la  
 direction du flux & du reflux  des eaux : ainfi il n’eft point  
 étonnant qu’on  trouve fur le  globe  des  éminences  con-  
 fidérafoles dont le  cours  eft dirigé vers différentes plages:  
 il fuffit  pour notre objet d’avoir démontré  que  les montagnes  
 n’ont point été placées au hazard, & qu’elles n’ont 
 T h é o r i e   d e   l a   T e r r e .  p e   
 point été produites par  des  tremblemens  de  terre ou  par  
 d ’autres  caufes  accidentelles, mais  qu’elles  font  un  effet  
 réfultant  de  l’ordre  général  de  la Nature,  auffi-bien  que  
 l’efpèce  d’organifation  qui  leur  eft propre  &  la  pofition  
 dgs matières  qui  les  compofent. 
 Mais  comment  eft-il  arrivé que  cette  terre  que  nous  
 habitons, que nos ancêtres ont habitée connue nous,  qui  
 de  temps  immémorial  eft  un  continent  fe c ,  ferme  &  
 éloigné  des  mers,  ayant  été  autrefois  un  fond de  mer,  
 foit actuellement fupérieure à toutes les  eaux &  en foit fi  
 diftinétement féparée! Pourquoi les eaux de la mer n’ont-  
 elles pas  refté  fur cette terre, puifqu’elles y  ont  féjourné  
 fi long-temps' Quel accident, quelle caufea pû produirî:  
 ce  changement  dans le globe l  eft-i! même  poffible  d’en  
 concevoir une affez ptnffante pour opérer un tel effet .' 
 Ces queftions font difficiles  à  réfoudre,  mais les  faits  
 étant  certains,  la manière  dont  iis  font  arrivez  peut  demeurer  
 inconnue fans préjudicier au  jugement que  nous  
 devons en porter ;  cependant fi nous  voulons y  réfléchir,  
 nous trouverons par induétion des raifons très-plaufibles  
 de ces changemens  *. Nous voyons tous les jours la mer  
 gagner  du  terrein *dans  de  certaines  côtes  &  en  perdre  
 dans  d’autres;  nous  fçavons  que  l’Océan  a  un  mouvement  
 général  &  continuel  d’orient  en  occident,  nous  
 entendons  de  loin  les  efforts  terribles  que  la  mer  fait  
 contre  les  baffes  terres &  contre  les  rochers  qui  la bornent  
 ,  nous  connoiffons des provinces  entières  où  on  eft 
 *  Voyez  les preuves,  art.  19.