122 H i s t o i r e Na tur e l l e .
fables & dans les autres terres, puifqu’elie eft aidée de la
force du tuyau capillaire, on ne s’aperçoit pas qu’elle
s’étende fort Join. Dans un jardin on arrofe abondamment,
& on inonde, pour ainfi dire, une planche, fans que
les planches voifines s’en reflentent confidérablement ;
j’ai remarqué en examinant de gros monceaux de terre
de jardin de huit ou dix pieds d’épaifleur, qui n’avoient
pas' été remuez depuis quelques années & dont le fom-
met étoit à peu près de niveau, que l’eau des pluies n a
jamais pénétré à plus de trois ou quatre pieds de profondeur
; en forte qu’en remuant cette terre au printemps
après un hiver fort humide, j’ai trouvé la terre de l’intérieur
de ces monceaux aulfi sèche que quand on 1 avoit
amoncelée. J ’ai fait la même obfervation fur des terres
accumulées depuis près de deux cens ans, au deifous de
trois ou quatre pieds de profondeur la terre étoit auffi
sèche que la pouffière ; ainfi l’eau ne fe communique
ni ne s’étend pas auffi loin qu’on le croit par la feule filtration
: cette voie n’en fournit dans l’intérieür de la terre
que la plus petite partie ; mais depuis la furface jufqu à de
grandes profondeurs l’eau defcend par fon propre poids,
elle pénètre par des conduits naturels ou par de petites
routes qu’elle s’eft ouvertes elle-même, elle fuit les racines
des arbres, les fentes des rochers, les interftices des terres*
& fe divife & s’étend de tous côtés en une infinité de petits
rameaux & de filets toûjours en defcendant, jufqu a ce
qu’elle trouve une ifllie après avoir rencontré la glaife
ou un autre terrein folide, fur lequel elle s eft raflemblee.
Th é o r i e de la Terre. 123
Il ferait fort difficile, de. faire une évaluation un peu
jufte de la quantité des eaux foûterraines qui n’ont point
d’iflue apparente *. Bien des gens ont prétendu qu’elle
furpaffoit de beaucoup celle de toutes les eaux qui font
à la furface de la terre, & fans parler de ceux qui ont
avancé que l’intérieur du globe étoit abfolument rempli
d ’eau , ily en a qui croient qu’il y a une infinité de fleuves
, de rujfleaux, de lacs dans la profondeur de la terre :
mais cette opinion, quoique commune, ne me paraît pas
fondée, & je crois que la quantité des eaux foûterraines
qui n’ontpoint d’ifliié à la furface du globe, n’eft pas con-
fidérable ; car s’il y avoit un fi grand nombre de rivières
foûterraines , pourquoi ne verrions-nous pas à la furface
de la terre les embouchures de quelques-unes de ces rivières,
& par çonféquent des ftources greffes comme des
fleuves! D ’ailleurs les rivières & toutes les eaux courantes
produifent des changemens très-confidérables à la fur-
face de la terre ; elles entraînent les terres , creufent les
rochers, déplacent tout ce qui s’oppofe à leur paflage :
il en ferait de même des fleuves foûterrains, ils produiraient
des altérations fenfibles dans l’intérieur du globe ;
mais on n’y a point obfervë de ces changemens produits
par le mouvement des eaux,rien n’eft déplacé; les couches
parallèles & horizontales fubfiftent par-tout, les différentes
matières gardent par-tout leur pofition primitive
, & ce n’eft qu’en fort peu d’endroits qu’on a obfervé
quelques veines d’eau foûterraines un peu confidérables.
* Voyez les preuves, art. io , n & 1 8.
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