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obligé de lui oppofer des digues que l’induftrie humaine
a bien de la peine à foÛtenir contre la fureur des flots,
nous avons des exemples de pays récemment fubmergez
& de débordemens réguliers ; l’Hiftoire nous parle d inondations
encore plus grandes & de déluges : tout cela ne
doit-il pas nous porter à croire qu’il eft en effet arrive
de grandes révolutions fur la furface de la terre, 6c que
la mer a pû quitter & iaiffer à découvert la plus grande
partie des terres qu’elle occupoit autrefois! Par exemple,
fi nous nous prêtons un inftant à fuppofer que 1 ancien
& le nouveau monde ne faifoient autrefois qu un feul
continent, & que par un violent tremblement de terre le
ferrein de l’ancienne Atlantide de Platon fe foit affaifle,
la mer aura néceffairement coulé de tous côtés pour former
l’Océan Atlantique, & par conféquent aura laiffé à
découvert de vaftes continens qui font peut-être ceux
que nous habitons; ce changement a donc pû fe faire
tout à coup par l’affaiffement de quelque vafte.caverne
dans l’intérieur du globe, & produire par conféquent un
déluge univerfel ; ou bien ce changement ne s’eft pas
fait tout à coup, & il a fallu peut-être beaucoup de temps,
mais enfin il s’eft fait, 6c je crois même qu’il s’eft fait
naturellement ; car pour juger de ce qui eft arrivé & même
de ce qui arrivera, nous n’avons qu’à examiner ce qui
arrive. II eft certain par les obfervations réitérées de tous
les voyageurs *, que l’Océan a un mouvement confiant
d’orient en occident ; ce mouvement fe fait fentir non
* Voyez Varen. Geogr. gen. p. i i<J. feulement
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feulement entre les tropiques comme celui du vent d’eft,
mais encore dans foute l’étendue des zones tempérées
6c froides où l’on a navigé : il fuit de cette obfervation
qui eft confiante, que la mer Pacifique fait un effort
continuel contre les côtes de la Tartarie, de la Chine
& de l’Inde; que l’Océan Indien fait effort contre la
côte orientale de l’Afrique, 6c que l’Océan Atlantique
agit de même contre toutes les côtes orientales de l’Amérique
: ainfi la mer a dû 6c doit toûjours gagner du
terrein fur les côtes orientales, & en perdre fur les côtes
occidentales. Cela feul fuffiroit pour prouver la poflîbilité
de ce changement de terre en mer 6c de mer en terre ;
& fi en effet il s’eft opéré par ce mouvement des eaux
d’orient en occident, comme il y a grande apparence,
ne peut-on pas conjecturer très-vrai-femblablement que
le pays le plus ancien du monde eft l’Afie 6c tout le continent
oriental ! que l’Europe au contraire 6c une partie
de l’Afrique, 6c fur - tout les côtes occidentales de ces
continens, comme l’Angleterre, la France, l’Efpagne, la
Mauritanie, 6cc. font des terres plus nouvelles ! L ’hiftoire
paroît s’accorder ici avec la Phyfique, 6c confirmer cette
conjecture qui n’eft pas fans fondement.
Mais il y a bien d’autres caufes qui concourent avec le
mouvement continuel de la mer d’orient en occident
pour produire l’effet dont nous parlons. Combien n’y
a-t-il pas de terres plus baffes que le niveau de la mer
6c qui ne font défendues que par un ifthme, un banc de
rochers, ou par des digues encore plus foibles ! l’effort
Terne I, N