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différentes fous lefquelles fe préfentent les fuppofitions
que nous avons employées ; ainfi les vérités mathémati -
ques ne font que les répétitions exaéies des définitions
ou fuppofitions. La dernière conféquence n’eft vraie que
parce qu’elle eft identique avec celle qui la précède, &
que celle-ci l’eft avec la précédente, & ainfi de fuite en
remontant jufqu’à la première fuppofition ; & comme les
définitions font les feuls principes fur lefquels tout eft
établi, & qu’elles font arbitraires & relatives, toutes les
corjféquences qu’on en peut tirer font également arbitraires
& relatives. Ce qu’on appelle vérités mathématiques
fe réduit donc à des identités d’idées & n’a aucune réalité;
nous fuppofons, nous raifonnons fur nos. fuppofitions,
nous en tirons des çonféquences, nous concluons, la
conclufion ou dernière conféquence eft une propofition
vraie relativement à notre fuppofition , mais cette vérité
n ’eft pas plus réelle que la fuppofition elle-même. Ce
n’eft point ici le lieu, de nous étendre fur les ufages des
fciences mathématiques, non plus que fur l’abus qu’on
en peut faire, il nous fuffit d ’avoir prouvé que les vérités
mathématiques ne font que des vérités de définition ou,
fi l’on veut, des expreffions différentes de la même chofe,
& qu’elles ne font vérités que relativement à ces mêmes
définitions que nous avons faites ; c’eft par cette raifon
qu’elles ont l’avantage d’être toujours exactes & démonf-
tratives, mais abftraites, intellectuelles & arbitraires.
Les vérités phyfiqües, au contraire, ne font nullement
arbitraires & ne dépendent point de nous, au lieu d’être
fondéès fur des fuppofitions que nous ayions faites, elles
ne font appuyées que fur des faits; une fuite de faits
femblables ou, fi l’on veut, une répétition fréquente &
une fucceffion non interrompue dés mêmes évènemens,
fait l’effence de la vérité phyfique : ce qu’on appelle vérité
phyfique n’eft donc qu’une probabilité, mais une probabilité
fi grande qu’elle équivaut à une certitude. En
Mathématique on fuppofe, en Phyfique ôn pofe & on
établit ; là ce font des définitions, ici ce font des faits ;
on va de définitions en définitions dans les Sciences
abftraites, on marché d’o'bfervations en obfervations dans
les Sciences réelles; dans les premières on arrivé à l’évidence
, dans les dernières à la certitude. Lé mot de vérité
comprénd l’une & l’autre & répond par conféquent à
deux idées différentes, fa lignification eft vague & coin-
pofée, il n’étort donc pas poffible de la définir généralement,
if fàlloit, comme nous venons dé lé faire, en
diftinguer les genres afin de s’en former uné idée nette.
I Je ne parlerai pas dés autres ordres de vérités-; celles
de la Morale, par exemple; qui font en partie réelles &
en partie arbitraires, demanderôientune longue difcuffion
qui nous éloigneroit de notre but, & cela d’autant plus
qu’elles n’ont pour objet &poürfin que des convenances
& des probabilités. I
L ’évidence mathématique & la certitude phyfique font
dônc les deux feuls points fous lefquels nous devons
confidérer la vérité; dès qu’elle s’éloignera de l’une ou
de ï aùtre, ce n’eft plus que Yrai-femblanee & probabilité.