170 H i s toi r e Na tu r e l l e .
de la terre le jour même que le déluge a commencé; qu’il
y a une grande chaleur dans l’intérieur du globe terrelfre,
qui le répand conftamment du centre à la circonférence ;
que la conftitution intérieure & totale de la terre eft comme
celle d’un oeuf, ancien emblème du globe; que les
montagnes font les parties les plus légères de la terre, &c.
Enfuite il attribue au déluge univerfel toutes les altérations
& tous les changemens arrivez à la furface & à l’intérieur
du globe , il adopte aveuglément les hypothèfes de
Woodward, & fe fert indiftinélement de toutes les obfer-
vations de cet Auteur au fujet de l’état préfent du globe ;
mais il y ajoute beaucoup lorfqu’il vient à traiter de l’état
futur de la terre ; félon lui, elle périra par le feu, & là
deftruétion fera précédée de tremblemens épouvantables,
de tonnerres & de météores effroyables, le foleil & la
lune auront l’alpeét hideux, les cieux paroîtront s’écrouler,
l’incendie fera général fur la terre ; mais lorfque le feu aura
dévoré tout ce qu’elle contient d’impur, lorfqu’elle fera
vitrifiée & tranfparente comme le.cryltal, les Saints & les
Bienheureux viendront en prendre polfelfion pour l’habiter
jufqu’au temps du jugement dernier.
Toutes ces hypothèfes femblent au premier coup d’oeil,
être autant d’affertions téméraires, pour ne pas dire extravagantes
; cependant l’Auteur les a maniées avec tant d’a-
drelTe, & les a réunies avec tant de force, qu’elles celfent
de paraître abfolument chimériques : il met dans fon fujet
autant d ’efprit & de fcience qu’il peut en comporter, &
on fera toujours étonné que d’un mélange d’idées auffi
Th éor i e de la T erre. 171
bizarres & aulfi peu faites pour aller enfemble, on ait pû
tirer un lÿltème éblouilfant; ce n’eft pas même aux clprits
vulgaires, c’ell aux yeux des fçavans qu’il paraîtra tel,
parce que les fçavans font déconcertez plus aifément que
le vulgaire par l’étalage de l’érudition, & par la force &
la nouveauté des idées. Notre Auteur étoit un Alfrono-
me célèbre, accoûtumé à voir le ciel en raccourci, à me-
furer les mouvemens des aflres, à compalfer les efpaces
des cieux, il n’a jamais pû fe perfuader que ce petit grain
de fable, cette terre que nous habitons, ait attiré l’attention
du Créateur au point de l’occuper plus long-temps
que le Ciel & l’Univers entier, dont la valle étendue
contient des millions de millions de foleils & de terres.
Il prétend donc que Moyfe ne nous a pas donné l’hiftoire
de la première création, mais feulement le détail de la
nouvelle forme que la terre a prife, lorfque la main du
Tout-puilfant l’a tirée du nombre des comètes pour la
feire planète, ou, ce qui revient au même, lorfque d’un
monde en défordre & d’un cahos informe, il en a fait
une habitation tranquille & un féjour agréable; les comètes
font en effet flijettes à des viciffitudes terribles, à
caufe de l’excentricité de leurs orbites, tantôt, comme
dans celle de 1680, il y fait mille fois plus chaud qu’au
milieu d’un brafier ardent, tantôt il y fait mille fois plus
froid que dans la glace, & elles ne peuvent guère être
habitées que par d’étranges créatures, ou, pour trancher
court, elles font inhabitées.
Les planètes au contraire font des lieux de repos où
Yij