car fans être obfervateur, il ne faut qu’avoir des yeux pour
être affuré que l’on trouve des matières pefantes très-
fouvent pofées fur des matières légères, & que par con-
féquent ces fédimens ne fe font pas précipitez tous en
même temps, mais qu’au contraire ils ont été amenez &
dépofez fucceffivement par les eaux. Comme c’eft là le
fondement de fon fyftème & qu’il porte manifèftement à
faux, nous ne le fuivrons plus loin que pour faire voir
combien un principe erroné peut produire de faulfcs
combinaifons & de mauvaifes conféquences. Toutes les
matières, dit notre auteur, qui compofent la terre, depuis
les fommets des plus hautes montagnes jufqu’aux plus
grandes profondeurs des mines <& des carrières, font
difpofées par couches, fuivant leur pefanteur fpécifique ;
donc, conclut-il, toute la matière qui eompofo le globe
a été diffoute & s’eft précipitée en même temps. Mais
dans quelle matière & en quel temps a-t-elle été diffoute!
dans l’eau & dans le temps du déluge. Mais il n’y a pas
affez d’eau for le globe pour que cela fe puiffe, puifqu’il
y a plus de terre que d’eau, & que le fond de la mer eft
de terre : hé bien, nous dit-il, il y a de l’eau plus qu’il
n’en faut au centre de la terre, il ne s’agit que de la
faire monter, de lui donner tout enfemble la vertu d’un
diffolvant univerfel & la qualité d’un remède préfervatif
pour les coquilles qui feules n’ont pas été diffoutes,
tandis que les marbres & les rochers l’ont été; de trouver
enfuite le moyen de faire rentrer cette eau dans
l’abyme, & de faire cadrer tout cela avec l’hifloire du
T h é o r i e d e l a T e r r e . 187
déluge ; voilà le fyftème, de la vérité duquel l’auteur
ne trouve pas le moyen de pouvoir douter, car quand
on lui oppofe que l’eau ne peut point diffoudre les
marbrçs, les pierres, les métaux, fur-tout en quarante
jours qu’a duré le déluge, il répond Amplement que cependant
cela eft arrivé; quand on lui demande quelle
étoit donc la vertu de cette eau de l’abyme, pour diffoudre
toute la terre & conferver en même temps les
coquilles, il dit qu’il n’a jamais prétendu que cette eau
fût un diffolvant, mais qu’il eft clair par les faits que la
terre a été diffoute & que les coquilles ont été préfer-
vées; enfin lorfqu’on le preffe & qu’on lui fait voir évidemment
que s’il n’a aucune raifon à donner de ces
phénomènes, fon fyftème n’explique rien, il dit qu’il
n’y a qu’à imaginer que dans le temps du déluge la force
de la gravité & de la cohérence de la matière a cefle
tout à coup, & qu’au moyen de cette fuppofition dont
l’effet eft fort aifé à concevoir, on explique d’une manière
fatisfaifante la diffolution de l’ancien monde. Mais,
lui dit-on, fi la force qui tient unies les parties de la
matière a cefle, pourquoi les coquilles n’ont-elles pas
été diffoutes comme tout le refte Ici il fait un difcours
fur l’organifation des coquilles & des os des animaux,
par lequel il prétend prouver que leur texture étant
fibreufe & différente de celle des minéraux, leur force
de cohéfion eft auffi d’un autre genre; après tout, il
n y a, dit-il, qu a foppofer que la force de la gravité
& de la cohérence n’a pas ceffé entièrement, mais
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