
Je dirai seulement que, ne considérant pas certaines
limites que la nature ne saurait franchir , bien
des personnes commettent une erreur en croyant
qu’il existe une chaîne graduée qui lie entr’eux les
différens corps qu’elle a produits. Il suivrait de cette
opinion que les corps inorganiques se nuanceraient
quelque part avec les corps vivans, savoir , avec les
végétaux les plus simples en organisation i et que
les végétaux eux-mêmes , tenant le milieu entre les
deux autres règnes , se confondraient avec les animaux
par quelque point de leur série réciproque.
L ’imagination seule a pu donner lieu à une pareille
idée , qui est ancienne, et qu’on a renouvelée
dans différens ouvrages modernes. Mais je prouverai
qu’il n’y a point de chaîne réelle qui lie généralement
entr’elles les productions de la nature, et
qu’il ne peut s’en trouver que dans certaines branches
des-séries qu’elles forment ; encore ne s y montre
t-elle que sous certains rapports généraux.
Pour éviter les raisonnemens, les discussions
particulières, et faire connaître les conditions essentielles
à l’existence des corps vivans y je vais exposer
les vrais caractères de ces corps. Ils me fourniront
une distinction positive et très-grande entre
les corps inorganiques et ceux qui, jouissent de la
vie. Ensuite, j’en établirai une de toute évidence
entre les plantes et les animaux ; en sorte que l ’on
pourra se convaincre que ces trois branches des produits
de la nature sont véritablement isolées , et ne
se lient nulle part entr’elles par aucune nuance.
Déjà nous avons vu les caractères essentiels des
corps inorganiques, auxquels il faut joindre ceux
qui, possédant les restes d’une organisation qui a
existé en eux, sont devenus incapables d’être animés
par la vie. Maintenant, pour effectuer notre comparaison,
examinons les principaux traits qui caractérisent
les corps vivans et qui mettent entr’eux et
les corps inorganiques une distance considérable.
Caractères généraux des corps vivans.
Les corps vivans, par des causes physiques déterminables
, ont tous généralement :
I.° L ’individualité de l’espèce existante dans la
réunion , la disposition et l’état de molécufes intégrantes
diverses qui composent leurs corps , et jamais
dans aucune de ces molécules considérée séparément
(i) y
(i) L’individualité spécifique des corps vivans réside'toujours
dans une masse résultante de la réunion et de la disposition
de molécules intégrantes diverses ; mais elle est
tantôt simple et tantôt composée.
Elle est simple, lorsqu’elle réside dans le corps entier j elle