
Par le sentiment intérieur seul, l’amour de soi-
même , selon les circonstances , donne lieu ;
l.° A des mouvemens involontaires qui s’exécutent
sans préméditation ; tels que ces tressaillemens
à un grand bruit inattendu ; ces mouvemens qui
font fuir un danger subit et imminent ; ceux qui
nous font détourner nombre de fois dans une rue
ou une promenade remplie de monde , sans y donner
attention ;
2.0 A des faiblesses ; telles que de la frayeur à
l’approche ou l’arrivée d’un danger ; de la lâcheté
dans les entreprises périlleuses ; de la timidité devant
tout ce qui en impose ; des manies de divers genres
qu’une habitude irréfléchie fait contracter ;
3.° A des aversions ou à des affections ; savoir :
à Inversion pour tout ce qui nous nuit ou nous est
contraire ; source de la haine : à l’affection , au contraire
, pour tout ce qui nous sert, nous ressemble
moralement, et partage nos goûts ; source de Ya-
mitiê.
Par le sentiment intérieur et la pensée libre, c’est-
à-dire , la pensée que la raison ne contraint à aucune
mesure, l’amour de soi-même ,< selon les circonstances
, donne lièu, soit à deux sentimens désordonnés
, soit à une force d’action sans limites.
Ainsi, par les voies que je viens de citer , l’amour
de soi-même fait naître en nous, selon les circonstances,
les deux sentimens désordonnés suivans ; savoir
:
l.° L ’amour-propre qui nous porte à être satisfaits
de nos qualités personnelles , et à nous persuader
que nous inspirons aux autres une opinion avantageuse
de nous.
On sait assez que, parmi les produits de ce sentiment
, il faut compter celui qui nous porte à n’être
jamais mécontens de notre esprit, de notre jugement,
de notre intelligence,- celui qui fait que nous prétendons
poser la limite des connaissances où les autres
peuvent parvenir, d’après celle que notre degré d’intelligence
et nos connaissances propres tracent pour
nous; celui, enfin, qui fait que nous ne cherchons
dans les ouvrages des autres, que nos opinions, ou
ce qui nous flatte. Parmi ces produits excessifs, on
sait encore qu’il faut compter la vanité, l’ostentation,
la suffisance, l’orgueil, en un mot, l’envie envers
ceux qu’un vrai mérite distingue ;
2.0 L egoisme qui se distingue de l’amour-propre
en ce que l’individu égoïste n’a aucun égard à l’opinion
qu’on a de lui, et ne voit en tout que lui-même,
et que son intérêt , presque toujours mal jugé.
On sait que ce sentiment désordonné donne lieu à
1 avarice, à la cupidité, à la passion du jeu, etc. •
nous entraîne à ne connaître d’autre justice que notre
intérêt personnel ; à faire, au besoin, un accommodement
avec les principes ; et nous porte en ou-
Torne I . ’