
Si c est une vérité positive, que la nature ne puisse
agir et n’ait de pouvoir que sur des corps ; c’en est
une autre , tout aussi certaine, qu’elle seule, que
les corps qui constituent son domaine , et que les
résultats de ses actes à leur égard, sont les seuls
objets soumis à nos observations ; en sorte que,
hors de ces objets, nous ne pouvons rien observer.
Qui a jamais vu ou aperçu autre chose que des1
corps , que leurs déplacemens , que les cbangemens
qu’ils éprouvent, que les phénomènes qu’ils produisent
! Qui a pu connaître le mouvement et l’espace,
autrement que par le déplacement des corps î Qui
a observé un seul phénomène qui n’ait pas été pro duit
par des corps , par des relations entre différens
corps, par des changemens de lieu, d’état ou de
forme que des corps ont subis !
Néanmoins, telles sont les difficultés qui retardent
l’aggrandissement et le perfectionnement de
nos connaissances, que nous ne pouvons nous flatter
d’observer tout ce que la nature produit, tous
les actes qu’elle exécute , tous les corps qui existent *
car , relégués à la surface d’un petit globe , qui n’est,
en quelque sorte , qu’un point dans l’univers, nous
n’apercevons de cet univers qu'un très-petit coin,
et nous ne pouvons même examiner qu’un très-petit
nombre des objets qui font partie du domaine de la
nature.
Ce sont-là des vérités que tout le monde connaît,
mais qu’il importe ici de ne pas perdre de
vue. Il n’est donc pas étonnant que nous nous laissions
si souvent entraîner à l’erreur , et même dominer
par elle, lorsque quelqu’intérêt nous y porte ;
et que nous ayons tant de peine à saisir les opérations
et la marche de la nature à l’égard de ses productions
diverses.
Cependant, puisque les animaux, quelque nombreux
qu’ils soient, font partie de ce que nous pouvons
observer ; puisqu’ils sont des productions de la
nature ; peut-on douter que les facultés qu’on observe
en eux ne le soient aussi ? Ces facultés sont
donc, toutes des phénomènes purement organiques,
et par suite véritablement physiques et comme nous
pouvons les examiner, les comparer, les déterminer
, les causes et le mécanisme qui donnent lieu à
ces facultés, ne sont donc pas réellement hors de la
portée de nos observations, hors de celle de notre
intelligence.
J’ai ■ cru entrevoir les principales des causes qui
produisent Y irritabilité animale , quoique je n’aie
pas encore fait connaître mes aperçus à ce sujet ;
j’ai cru saisir le mécanisme du sentiment, ou un
mécanisme qui en approche beaucoup -, enfin, j’ai
cru distinguer , reconnaître même, celui qui donne
lieu au phénomène de la pensée , en un mot, de
ce qu’on nomme intelligence. ( Phil. zool. vol. 2. )