
Quand même je me serais trompé partout ( ce qu’il
est difficile de prouver , les faits déposant en faveur
de mes aperçus ) , en serait-il moins vrai que les
facultés que je viens de citer, ne soient des phénomènes
tout-'a-fait organiques et purement physiques
, et qu’elles ne soient toutes des résultats de
relations entre différentes parties d’un corps et entre
diverses matières en action dans la production de
ces phénomènes !
N’est-ce pas à des préventions irréfléchies, ainsi
qu’aux suites de notre ignorance sur le pouvoir de
la nature et sur les moyens qu’elle peut employer ,
que l’on doit la pensée de supposer dans le sentiment,
et surtout dans la formation des idées et des
différens actes qui peuvent s’exécuter entr’elles ,
quelque chose de métaphysique, en un mot, quelque
chose qui soit étranger à la matière, ainsi qu’aux
produits des relations entre différens corps !
Si beaucoup d’animaux possèdent la faculté de
sentir; et si, en outre, il y en a parmi eux qui soient
capables S attention, qui puissent se former des idées
à la suite de sensations remarquées , qui aient de la
mémoire , des passions, enfin, qui puissent juger et
agir par préméditation; faudra-t-il attribuer ces phé-
-^nomènes que nous observons en eux, à une cause
étrangère à la matière, et conséquemment étrangère
à la nature qui n’agit que sur des corps, qu’avec des
corps, et que par des corps î
INTRODUCTION. 220
Ne considérons donc les facultés animales, quelles
qu’elles soient, que comme des phénomènes entièrement
organiques ; et voyons ce que les faits connus
nous apprennent à leur égard.
Partout, dans le règne animal, où l’on reconnaît
qu’une faculté est distincte et indépendante d’une
autre, on doit être assuré que le système d’organes
qui donne lieu à l’une d’elles, est différent et même
indépendant de celui qui produit l’autre.
Ainsi, l’on sait que la faculté de sentir est très-
différente de celle de se mouvoir par des muscles;
et que la faculté de penser est aussi très-différente,
soit de celle de sentir , soit de celle d’exécuter des
mouvemens musculaires. Il est même bien connu que
ces trois facultés sont indépendantes les unes des
autres.
Qui ne sait, en effet, qu’on peut se mouvoir
sans qu’il en résulte des sensations ; que l’on peut
sentir sans qu’il s’ensuive des mouvemens ; et que
l’on petit pènser, réfléchir, juger, sans éprouver des
selïsâtiàns et Sans faire dès mouvemens? Ces trois
facilités sont donc indépëndantes entr’elles dans les
êtres qui lès possèdent ; et certes, les systèmes d’organes
qui les donnent, doivent être aussi indépen-
dans entr’eux.
Cependant, lés trois facultés que je viens de citer
ne sauraient exister sans nerfs. Le système nerveux,
qui tend comme tous les autres à se compliquer gra