
La nature reconnue , atteste elle—même son auteur}
et présente une garantie de la plus grande des
pensées de l’homme, de celle qui le distingue si
éminemment de ceux des autres êtres qui ne jouissent
de 1 intelligence que dans des degrés inférieurs, et
qui ne sauraient jamais s’élever à une pensée aussi
grande.
Si Ion ajoute a cette vérité la suivante; savoir :
que le terme de nos connaissances positives n’emporte
pas nécessairement celui de ce qui peut exister,
on aura en elles les moyens de renverser les faux
raisonnemens dont l’immoralité s’autorise.
Reprenons la suite des développemens qui caractérisent
la nature y et qui montrent le vrai point de
vue sous lequel on doit la considérer.
Puisque la nature est une puissance qui produit,
renouvelle, change, déplace, enfin, compose et décompose
les différens corps qui font partie de l’univers
; on conçoit qu’aucun changement, qu’aucune
formation, qu’aucun déplacement nes’opère que conformement
à ses lois. Et, quoique les circonstances
fassent quelquefois varier ses produits et celles des
lois qui doivent être employées, c’est encore, néanmoins,
par des lois de la nature que' ces Variations
sont dirigées. Ainsi, certaines irrégularités dans ses
actes, Certaines monstruosités qui semblent contrarier
sa marche ordinaire, les boulevérsemens dans
ffe des objets physiques, en un mot, les suites
trop souvent affligeantes des passions de l’homme,
sont cependant le produit de ses propres lois et des
circonstances qui y ont donné lieu. Ne sait-on pas ,
d’ailleurs, que le mót de hasard n’exprime que notre
ignorance des causes.
À tout cela, j’ajouterai que des désordres sont
sans réalité dans la nature, et que ce ne sont, au contraire,
que des faits, dans l’ordre général, les uns,
peu connus de nous , et les autres, relatifs aux
objets particuliers dont l’intérêt de conservation se
trouve nécessairement compromis par cet ordre
général. ( Philos, zool., vol. 2, p. 465. )
Qui ne sent, en effet, que, si le propre de la
nature est de changer, produire, détruire, renouveler
et varier sans cesse les différens corps, ceux de
ces corps, qui possèdent la faculté de sentir, de juger
et de raisonner, et qui, par les lois mêmes de la
nature, s’intéressent essentiellement à leur conservation
, et à leur bien-être ; ceux-là, dis-je, considéreront
comme désordre tout ce qui compromet
cette conservation et ce bien-être qui les intéressent
si fortement (1).
(1) On sent de là combien V oltaire , dans ses questions
sur l’Encyclopédie , et les philosophes qui eurent la même
opinion, se sont abusés, en supposant à D i e u , soit impuissance,
soit méchanceté , a l’égard des maux, ou des désordres
en question; ces philosophes considérant, comme