
ce pouvoir circonscrit, que nous avons si peu
considéré, si mal étudié; ce pouvoir auquel nous
attribuons presque toujours une intention et un but
dans ses actes; ce pouvoir, enfin , qui fait toujours
nécessairement les mêmes choses dans les mêmes
circonstances, et qui, néanmoins, en fait tant et de
si admirables, est ce que nous nommons la nature.
Qu est-ce donc que la nature ? Qu’est-elle cette
puissance singulière qui fait tant de choses, et qui
cependant est constamment bornée à ne faire que
celles-la? Qu’est-elle , encore, cette puissance qui ne
varie ses actes qu autant que les circonstances, dans
lesquelles elle agit, ne sont point les mêmes? Enfin.,
à quoi s applique ce mot la nature, cette dénomination
si souvent employée, que toutes les bouches
prononcent si fréquemment, et que l’on rencontre
presqu à chaque ligne dans les ouvrages des naturalistes,
des physiciens et de tant d’autres?
Il importe assurément de fixer à la fin nos
idées, s il est possible, sur une expression dont la
plupart des hommes se servent communément, les
uns par habitude et sans y attacher aucune idée déterminée,
les autres en y appliquant des idées réellement
fausses.
A 1 idee que Ion s est formée d’une puissance,
Ion a presque toujours associé celle d’une intelligence
qui dirige ses actes ; et, par suite, l’on a attribué
à cette puissance une intention, un but >
unevolonté.Sans doute, on ne peut nier qu’il n’en soit
ainsi, a l’égard du pouvoir suprême; mais il y a aussi
des puissances assujéties et bornées, qui n’agissent
que nécessairement, qui ne peuvent faire autre chose
que ce qu’elles font, et qui ne sont point des intelligences.
Ce sont seulement des causes agissantes ;
et même toute cause capable de produire un effet,
est déjà une puissance réelle; à plus forte raison celle
qui en produit de nombreux et de très-remarquables.
Par exemple, tout ordre de choses, animé par un
rnouvement, soit épuisable, soit inépuisable, est une
véritable puissance dont les actes amènent des faits
ou des phénomènes quelconques.
Ea v ie , dans un corps , en qui l’ordre et l’état
de choses qui s’y trouvent, lui permettent de se
manifester, est assurément, comme je l’ai dit, une
véritable puissance qui donne lieu à des phénomènes
nombreux; cette puissance, cependant, n’a ni but,
ni intention, ne peut faire autre chose que ce qu’elle
fait, et n’est elle-même qu’une cause agissante, et
non un être particulier.
Or, il s’agit de montrer que la nature est tout-
à-fait dans le même cas; avec cette différence que
sa source est inépuisable, tandis que celle de la vie
se tarit nécessairement.
Sans doute, sur ce qui concerne la nature, je
n’ai à dire que très-peu de choses, relativement à
ce qui n’est pas encore bien connu; mais ce peu de