
voyons en eux la possibilité ou la nécessité de subir
divers changemens. Mais aussi, tous ces corps se
montrent ou se retrouvent constamment les mêmes
à nos yeux, ou à-peu-près tels, dans tous les tems;
et on les voit toujours, chacun avec les mêmes qualités
ou facultés , et avec la même possibilité ou la
même nécessité d’éprouver des changemens.
D’après cela, dira-t-on, comment vouloir leur
supposer une formation, pour ainsi dire , extra-
simultanée , une formation successive et dépendante,
en un mot, une origine particulière à chacun d’eux,
et dont le principe puisse être déterminable ! pourquoi
ne les regarderait-on pas plutôt comme aussi
anciens que la nature, comme ayant la même origine
qu’elle-même, et que tout ce qui a eu un
commencement ?
C’est, en effet, ce que l’on a pensé , et ce que
pensent encore beaucoup de personnes même très-
instruites : elles ne voient, dans toutes les espèces,
de quelque sorte qu’elles soient, inorganiques ou
vivantes; elles ne voient, dis-je, que des corps dont
l’existence leur paraît à-peu-près aussi ancienne que
celle de la nature, que des corps qui, malgré les
changemens et l’existence passagère des individus, se
retrouvent les mêmes dans tous les renouvellemens.
Or, l’existence de ces espèces, que nous revoyons
toujours à très-peu-près semblables, quoique les
corps qui en constituent les individus, changent,
passent et reparaissent plus ou moins promptement,
est donc , disent ces mêmes personnes, le résultat
d’un grand pouvoir qui y a donné lieu, d’un pouvoir
, en un mot, au-dessus de toutes nos conceptions
!
Il doit être,effectivement, bien grand, le pouvoir
qui a su donner l’existence à tous les corps, et les
faire généralement ce qu’ils sont! car, si l’on observe
un animal, même le plus imparfait, tel qu’un infusoire
ou un polype, on est frappé d’étonnement
à la vue de ce singulier corps, de son état, de la vie
qu’il possède, et des facultés qu’il en obtient; on l’est,
surtout, en considérant que le corps si simple et si
frêle que je viens de citer, est non-seulement susceptible
de s’accroître et de se reproduire lui-même,
mais qu’il a, en outre , la faculté de se mouvoir; on
l’est bien davantage ensuite, à mesure que l’on observe
les animaux des ordres plus relevés, et principalement
lorsqu’on vient à considérer ceux qui sont
les plus parfaits; car, parmi les facultés nombreuses
que possèdent ces derniers, il s’en trouve de la plus
grande éminence, puisque la faculté de sentir, qui
est déjà si admirable en elle-même, est encore inférieure
à celle de se former des idées conservables,
de les employer à en former d’autres, en un mot, de
comparer les objets, de juger, de penser. Cette
dernière faculté surtout , est pour nous une mer