278 INTRODUCTION.
entièrement surmonter les premiers mais* à l’aide
de sa raison et de son intérêt bien saisi, il peut,
soit modifier* soit diriger convenablement les autres.
Enfin * ceux de ses penchans auxquels il se laisse
aller entièrement* se changent alors en passions qui
le subjuguent * et qui dirigent malgré lui toutes ses
actions.
A mesure que Yhomme s’est répandu dans les différentes
contrées du globe* qu’il s’y est multiplié,
qu’il s’est établi en société avec ses semblables, enfin
, qu’il fit des progrès en civilisation , ses jouissances,
ses désirs, et, par suite, ses besoins, s’accrurent
et se multiplièrent singulièrement ; ses rapports
avec les autres individus et avec la société dont
il faisait partie, varièrent, en outre, et compliquèrent
considérablement ses intérêts individuels. Alors , les
penchans qu’il tient de la nature, sé sous-divisant
de plus en plus comme ses nouveaux besoins , parvinrent
à former en lui et à son insu, une masse
énorme de liens qui le maîtrisent presque partout,
sans qu’il s’en aperçoive.
Il est facile de concevoir que ces penchans particuliers
et ces intérêts individuels si variés, se trouvant
presque toujours en opposition avec ceux des autres
individus -, et que les intérêts des individus devant
toujours céder à ceux de la société ; il en résulte nécessairement
un conflit de puissances contraires
auquel les lois, les devoirs de tout genre , les convenances'établies
par l’opinion régnante , et la morale
même, opposent une digue trop souvent insuffisante.
Sans doute, Yhomme naît sans idées, sans lumières,
ne possédant alors qu’un sentiment intérieur et des
penchans généraux qui tendent machinalement à
s’exercer. Ce n’est qu avec le temps et par l’éducation,
l’expérience, et les circonstances dans lesquelles il se
rencontre, qu’il acquiert des idées et des connaissances.
O r, par leur situation et la condition où ils se
trouvent dans la société, les hommes n’acquérant des
idées et des lumières que très-inégalement, l’on sent
que celui d’entr’eux qui parvient à en avoir davantage
, en obtient des moyens pour dominer les
autres j et l’on sait qu’il ne manque jamais de le
faire.
Mais, parmi les hommes qui ont acquis beaucoup
d’idées et qui ont beaucoup fréquenté la société de
leurs semblables, le conflit d’intérêt, dont j’ai parlé
tout-'a-l’heure , a fait faire à un grand nombre d’en-
tr’eux des efforts habituels pour contraindre leur
sentiment intérieur, pour eh cacher les impressions,
et a fini par leur donner le pouvoir et l’habitude de
le'maîtriser. L ’on conçoit, dès lors , combien ces individus
l’emportent en moyens de domination et de
succès , dans leurs entreprises a cet égard , sur ceux
qui ont conservé plus de candeur. Aussi, pour ceux