
qui savent étudier l’homme} il est curieux d’observer
la diversité des masques sous lesquels se déguise
l’intérêt personnel des individus, selon leur état, leur
rang, leur pouvoir , etc.
Tel est le sommaire resserré des causes générales
qui ont amené Yhomme civilisé à l’état où nous le
voyons maintenant en Europe; état où , malgré les
lumières acquises et même par elles, le plus faible
en moyens se trouve toujours victime ou .dupe de
celui qui en possède davantage ; état, enfin , qui asservit
toujours l’immense multitude à la domination
d’une minorité puissante.
Dans cet état de choses , une seule voie peut nous
aider à tirer de notre situation particulière, le parti
le plus avantageux pour nous ; c’est, selon moi, la
suivante. Nous étant fait, d’après la raison, la justice
et la morale , un certain nombre de principes dont
nous ne devons jamais dévier, nous devons ensuite
nous efforcer de reconnaître les penchans que
Yhomme a reçus de la nature, et étudier leurs différons
produits, dans les individus de son espèce, selon
les circonstances où chacun d’eux se trouve. Cette
connaissance nous sera d’une grande utilité dans nos
relations avec eux.
Ainsi, pour diriger notre conduite avec le moins
de désavantage a l’égard des hommes avec qui nous
sommes forcés de vivre ou d’avoir des rapports ,
nous nous trouverons obligés de les étudier, de remonter,
autant qu’il est possible , à la source de
leurs actions, et de tâcher de reconnaître la nature
de celles qu’ils doivent exécuter selon les différentes
circonstances de leur sexe, de leur âge, de leur situation,
de leur état, de leur fortune ou de leur pouvoir
; nous devrons même considérer, qu’à mesure
qu’ils changent d’âge, de situation, d’état, de fortune
ou de pouvoir, ils changent aussi constamment dans
leur manière de sentir, d’envisager les objets , de juger
les choses, et qu’il en résulte toujours pour eux
des influences proportionnelles qui régissent leurs
actions.
Mais , dans cette étude si difficile, comment parvenir
à notre but, si nous ne connaissons point la part
considérable qu’ont, sur toutes les actions de l’homme
, les penchans que la nature lui a donnés !
C’est parce que cette connaissance essentielle m’a
paru beaucoup trop négligée , que je vais essayer
d’en esquisser les bases d’une manière extrêmement
succincte. D’ailleurs, les objets que je vais considérer
, ayant été envisagés jusqu’à présent comme formant
l’unique domaine du moraliste , la part évidente
qui, à l’égard de ces objets, appartient au
naturaliste-, ne fut point suffisamment reconnue..
Or j c’est cette part seule que je revendique, et qui
m’autorise à présenter les bases suivantes de Y analyse
à faire des penchans de Yhomme dans l’état de civi-*:
lisation.