
1 animal a cet egard • soit l’être le plus spirituel, le
plus solide en jugement, le plus riche en idées et
en connaissances, enfin , celui dont le génie vaste
atteint jusqu’à la sublimité ;
Et tantôt, sous le rapport du sentiment, soit l’être
le plus humain, le plus aimant, le plus bienfaisant ,
le plus sensible, le plus juste; soit le plus dur, le
plus injuste , le plus méchant, le plus cruel, surpassant
même en méchanceté les animaux les plus féroces.
Le propre des circonstances dans lesquelles se
trouvent les individus, dans une société quelconque,
est donc de donner lieu à une diversité d’autant plus
grande dans leurs pensées, leurs sentimens, leurs
moyens et leurs actions, que l’intelligence de ces individus
a été plus ou moins exercée, et par suite,
plus ou moins développée.
Le développement de son intelligence, e s t, sans
doute , pour 1 homme , d’un très-grand avantage ;
mais l’extrême inégalité que la civilisation produit
nécessairement dans celui des différens individus , ne
saurait être favorable au bonheur général. On en
trouve la cause dans le fait suivant bien observé.
Plus 1 intelligence est développée dans un individu,
plus il en obtient de moyens, et plus, en général, il
en profite pour se livrer avec succès à ses penchans.
O r , les plus énergiques de ces penchans, tels que
1 amour de soi-meme et surtout celui de la domination,
se trouvant favorisés par un plus grand développement
d’intelligence , l’on peut juger de l’étendue
de leurs produits, d apres le degré de puissance
que cet individu possède dans la société.
Cependant, que l’on ne s’y trompe pas, ainsi qu’un
célèbre auteur ; si, sous certains rapports, l’intelligence
trës-développée fournit à ceux qui la possèdent
, de grands moyens pour abuser , dominer,
maîtriser, et trop souvent pour opprimer les autres ;
ce qui semblerait rendre cette faculté plus nuisible
qu’utile au bonheur général de toute société, puisque
la civilisation entraîne une immense inégalité de lumières
entre les individus ; sous d’autres rapports ,
cette même intelligence , dans un haut degré, favorise
et fortifie la raison , fait mettre à profit l’expérience,
en un mot, conduit à la vraie philosophie, et,
sous ce point de vue, dédommage amplement ceux
qui en jouissent. Ainsi , l’on peut dire quelle est
toujours très-avantageuse aux individus qui en sont
doués. Mais la multitude qui ne saurait en posséder
une semblable, en souffre nécessairement. Ce n’est
donc que l’inégalité des lumières entre les hommes
qui leur est nuisible , et non les lumières elles-
mêmes.
Au moral , comme au physique, le plus fort
abuse presque toujours de ses moyens au détriment
du plus faible : tel est le produit des penchans natu-
î els qu une forte raison ne modère pas.