
D’après ce qui vient d’être exposé, je crois qu’ii
sera facile de reconnaître pourquoi, parmi les différons
modes de gouvernement, ceux qui sont les plus
favorables au bonheur des nations sont si difficiles à
établir; pourquoi l’on voit presque toujours une lutte
plus ou moins grande entre les gouvernans qui la plupart
tendent au pouvoir arbitraire, et les gouvernés qui
s’efforcent de se soustraire à ce pouvoir; enfin, pourquoi
cette portion de la liberté individuelle , qui est
compatible avec l’institution et l’exécution des bonnes
lois, éprouve tant d’obstacles peur être obtenue, et
ne peut long-temps se conserver là où l’on a pu l’obtenir.
Deux hommes célèbres, mais sous des rapports
bien différens, ont adressé des maximes aux souverains
: l’un , pour la félicité des peuples ; l ’autre ,
au profit du pouvoir arbitraire. Que l’on compare
le nombre des prosélites qu’a faits le premier , avec
celui du second, et l’on jugera de l’influence des
causes que j’ai indiquées !
Ainsi, cet ordre de choses , que l’on voit partout,
tient à la nature de l’homme, et,quoi que l’on fasse,
sera toujours ce qu’il est. Le naturel de ¥ homme ne
s’efface jamais entièrement, quoiqu’à l’aide de la raison
il puisse être jusqu’à un certain point modifié.
Quel que soit le système de société dans lequel il
vit, l’homme étant, de tous les êtres intelligens
celui qui a le plus de penclians naturels et le plus
de moyens pour varier ses actions ; on peut assurer
qu’il sera toujours agité, regrettant le passé, jamais
satisfait du présent, fondant continuellement son
bonheur sur l’avenir, et difficilement ou incomplètement
heureux, surtout si une forte raison, c’est-à-
dire , la philosophie, ne vient à son secours.
Je m’arrête là : le développement des objets qui
viennent d’être cités, m’éloignerait du but que je me
propose d’atteindre.
Passons maintenant à un sujet plus élevé et plus
grave encore que ceux dont nous nous sommes occupés
jusqu’ic i, et qui est indispensable pour compléter
la liaison de tout ce que nous avons exposé,
même à l’égard des animaux ; passons à l’objet qui
devrait le plus intéresser le naturaliste , au plus important
de ceux qu’il était nécessaire de traiter dans
cette Introduction ; enfin, à l’essai d’une détermination
de ce qu’est réellement la nature, et des
idées que nous devons nous former de cette puissance
à laquelle nous sommes forcés d’attribuer tant de
choses, en un mot, à laquelle les animaux doivent
tout ce qu’ils sont, et tout ce qu’ils possèdent.