veille si grande, qu’il nous semble impossible que
la nature soit capable d’en amener la production.
Si les animaux, en qui nous observons de pareilles
facultés, sont des machines ; assurément, ces machines
sont bien dignes de notre admiration ! elles
doivent singulièrement nous étonner, puisque nous
avons tant de peine à les concevoir, et qu’il nous
est absolument impossible de faire quelque chose qui
en approche.
Toutes ces considérations parurent et paraissent
donc encore aux personnes dont j’ai parlé, des
motifs suffisans pour penser que la nature n’est point
la cause productrice des différens corps que nous
connaissons j et que ces corps, se remontrant les
mêmes ( en apparence dans tous les tems, et avec
les mêmes qualités ou facultés, doivent être aussi anciens
que la nature, et avoir pris leur existence dans
la même cause qui lui a donné la sienne.
S’il en est ainsi, ces corps ne doivent rien à la
nature ; ils ne sont point ses productions ; elle ne
peut rien sur eux ; elle n’opère rien à leur égard ;
e t , dans ce cas, elle n’est point une puissance ; des
lois lui sont inutiles ; enfin , le nom qu’on lui donne
est un mot vide de sens , s’il n’exprime que l’existence
des corps, et non un pouvoir particulier qui
opère et agit immédiatement sur eux.
Mais, si nous examinons tout ce qui se passe journellement
autour de nous, si nous recueillons et
suivons attentivement les faits que nous pouvons
observer, les idées si spécieuses que je viens de citer,
perdront alors de plus en plus le fondement qu elles
semblaient avoir.
En effet, nous observons des changemens, lents
ou prompts,,mais réels, dans tous les corps, selon
les circonstances de leur nature et celles de leur
situation; en sorte que les uns se détériorent de plus
en plus, sans jamais réparer leurs pertes et sont à la
fin détruits, tandis que les autres, qui subissent sans
cesse des altérations et les réparent eux-mêmes pendant
une durée limitée , finissent aussi, neanmoins,
par une destruction entière. Cependant, malgré ce
dernier résultat de tout corps quelconque, nous en
retrouvons constamment les mêmes sortes, les
mêmes espèces, et nous les rencontrons dans tous
les états, dans tous les degrés de changement.
Pouvons-nous donc méconnaître l’existence d’un
pouvoir général, toujours agissant, toujours opérant
des produits manifestes en changement, en formation
et en destruction des corps! selon des circonstances
favorables observées, ne voyons-nous pas nous-
mêmes plusieurs de ces corps se former presque sous
nos yeux, tels que le soufre en certains lieux, Y alun
dans d’autres, lesalpétre dans d’autres encore, etc., etc.
Nos observations ne se bornent point seulement
a nous convaincre de l’existence d’un grand pouvoir
toujours agissant, qui change, forme, détruit et