il est le seul, parmi les êtres intelligens , qui puisse
atteindre.
Penchant a dominer.
Le penchant à dominer est le troisième de ceux
qui résultent de notre penchant à la conservation.
Il est constant et ge'ne'ral dans tous les hommes, se
manifeste même dès leur enfance, et agit sans cesse
à leur insu. Ce penchant provient de ce qu’ils sentent
intérieurement que , plus ils l’emportent sur
les autres en quelque chose, plus aussi ils en obtiennent
de moyens pour favoriser leur bien-être, et
pourvoir à leur conservation.
Le penchant dont il s’agit est le plus énergique
de ceux que nous tenons de la nature j et développe
plus ou moins ses produits selon que la destinée de
l’individu et les diverses circonstances de la situation
où il se trouve dans la société, y sont plus ou moins
favorables. En effet, l’infortune, l’oppression et la
servitude habituelle , l’éteignent en grande partie
dans le commun des hommes ; tandis que le bonheur
et les succès constans accroissent alors considérablement
son énergie. De là vient que son activité
est extrême dans Xhomme à qui tout prospère;
et qu’au contraire, la bonté, l’humanité, la modération,
la sagesse même, ne se rencontrent guère
que dans celui qui a beaucoup souffert de l’injustice
des autres.
C’est ce penchant à dominer, en un mot, à l’emporter
en quelque chose sur les autres, qui produit
dans Xhomme cette agitation sourde et générale, qui
ne lui permet point d’être entièrement satisfait de son
sort ; agitation qui devient d’autant plus active qu’il
a plus d’idées, et que son intelligence a reçu plus de
développement, parce qu’il s’irrite alors continuellement
des obstacles que son penchant rencontre de
toutes parts.
On sait assez que nul n’est content de sa fortune,
quelle qu’elle soit ; que nul ne l’est pareillement de
son pouvoir ; et même que Xhomme qui déchoit dans
ces objets, est toujours plus malheureux que celui
qui n’avance point. Enfin, l’on sait que toute uniformité
de situation physique et morale qu’un travail
soutenu ne détruit point, bornant nécessairement
notre tendance intérieure; cette uniformité, dis-je ,
amène en nous ce vide, ce mal-être obscur et moral
qü on nomme ennui, et nous fait du changement un
besoin insatiable, source de notre attrait pour la diversité.
Ce même penchant nous porte donc continuellement
a augmenter nos moyens de domination; et
nous ne manquons jamais de l’exercer, soit par le
pouvoir, soit par la richesse, soit par la considération
? soit, enfin , par des distinctions d’un genre ou
d’un ordre quelconque, toutes les fois que nous en
trouvons l’occasion, >