A la première vue du Hérisson, on juge de son naturel : ses formes épaisses,
ses membres courts, sa marche plantigrade, annoncent le peu d’agilité de ses
mouvements, la foiblesse de son intelligence et l’obscurité de sa vie. Cet animal
est en effet presque toujours caché. On le trouve ordinairement aux pieds des
arbres, dans les creux que laissent entre elles les racines et que la mousse recouvre,
ou dans les vides des pierres amoncelées. C’est là qu’il passe ses journées, et
d’où il ne sort que quand la nuit commence* alors il va à la recherche de sa
nourriture, qui consiste en Limaçons, en Vers et autres animaux de cette nature;
il mange aussi les fruits doux et succulents* mais il n’en emporte aucun, comme
on l’a dit, en le perçant de ses épines* et la supposition qu’on a faite à cet égard
était non-seulement dépourvue de vérité, mais même de vraisemblance5 car cet
animal n’aurait aucun moyen pour détacher les fruits, qui seraient fixés à ses épines.
C’est aussi pendant l’obscurité que les Hérissons se recherchent pour satisfaire
aux besoins de l’amour* et de ce que toutes les parties supérieures de leur corps
sont couvertes de piquants aigus, on a conjecturé que leur accouplement ne pouvait
se faire comme chez les autres animaux ; ce qui est encore une erreur : ils
ont la faculté d’abaisser ces piquants, et de les tellement appliquer sur leur corps,
que leur accouplement a lieu à la manière ordinaire, sans aucune difficulté. C’est
au commencement du printemps qu’ils éprouvent le besoin de se reproduire, et
c’est dans le courant de mai que les petits naissent. On ignore la durée de la
gestation* mais les jeunes viennent au monde couverts de petites épines entièrement
blanches, entre lesquelles on voit leur peau rougeâtre* et leurs yeux sont
fermés, ainsi que leurs oreilles* cette dernière particularité est remarquable, en
ce qu’elle est, je crois, reconnue pour la première fois dans l’ordre des Mammifères.
La longueur de ces petits Hérissons, de la tête à l’origine de la queue,
n’est que de deux à trois pouces, et leur queue a trois ou quatre lignes* mais
bientôt leurs épines grandissent, se multiplient et se colorent* et vers l’automne,
ils ne différent guère des adultes que par la taille.
Lorsque le Hérisson a acquis tout son accroissement, il a environ dix pouces
dans sa plus grande longueur, et toutes les parties supérieures de son corps sont
recouvertes d’épines, grisâtres à leur origine, puis d’un brun-noir, et enfin terminées
par une pointe blanche. Sa tête, le tour de ses oreilles sont- revêtus de
poils durs, brunâtres, et le dessus de ses pâtes antérieures et toutes les parties
inférieures de son corps, de poils blanchâtres. Les pâtes, l’extrémité du museau
et la queue sont à peu près nues, et l’on ne voit sur les côtés de la lèvre supérieure
que de faibles moustaches. Les épines ne tiennent à la peau que par un
petit pédicule. Les yeux sont simples, très-saillants, et leur pupille est ronde.
L’oreille, petite et arrondie, est d’une construction assez simple : le tragus et
l’antétragus sont larges et très-rapprochés, de manière qu’ils ne laissent entre
eux qu’une fente au dessus du conduit auditif, et ils sont surmontés par une
sorte de soupape, que l’on pourrait regarder comme un développement extraordinaire
de la pointe interne de l’hélix, et qui ferme tout-à-fait 1 oreille en dessus,
lorsque l’animal rapproche la partie antérieure de la conque de la postérieure;
ce qu’il fait chaque fois que quelque corps étranger vient à toucher cet organe.
Le nez dépasse de beaucoup les mâchoires* il est terminé par un mufle dont le
•bord postérieur est divisé par cinq ou six échancrures qui y forment des frangesj
l’orifice du conduit olfactif est ouvert à la partie inférieure des narines, consistant
LE HÉRISSON D’EUROPE. 5
en un sillon qui s’élève, en suivant une ligne courbe, vers le haut du mufle.
Les lèvres sont entières * la langue est douce, et aucun organe accessoire ne se
trouve dans la bouche.
Les organes du mouvement consistent dans des pieds plantigrades, qui ont cinq
doigts armés'd’ongles fouisseurs très-longs* le rapport de longueur des doigts, dans
les deux pieds, suit cet ordre décroissant : le doigt du milieu, l’annulaire, l’index,
le petit doigt et le pouce. La plante est garnie de trois tubercules à la base des
quatre plus longs doigts, et d’un très-grand vers sa partie moyenne. La paume a
aussi trois tubercules à la base des quatre premiers doigts, puis deux à sa partie
postérieure, un gros et un plus petit * et toutes ces parties sont revêtues d’une
peau très-douce et très-susceptible d’un toucher délicat. La queue très-courte
est ordinairement reployée sur les parties génitales. La verge se dirige en avant
dans un fourreau, dont l’extrémité est libre et pendante * et les testicules sont
dans un scrotum extérieur. Les mamelles sont au nombre de cinq de chaque
côté, depuis les aisselles jusqu’aux aines. La vulve a des lèvres et un clitoris
très-prononcés.
Cet animal, à l’extrémité de chaque mâchoire, a deux incisives à peu prés
semblables à des canines, et qui pourraient lui servir comme les incisives aux
Rongeurs, ou les canines aux Carnassiers : celles de la mâchoire supérieure sont
écartées l’une de l’autre * celles de la mâchoire opposée sont rapprochées et se
touchent presque. Derrière les incisives supérieures se trouvent deux petites dents
à une seule racine, qui ont la forme de fausses molaires, quoique elles soient
encore iniplantées dans l’os intermaxillaire. A la suite de ces dents et après un
petit intervalle vide,. viennent trois fausses molaires proprement dites : la première
, qui est la plus graride, a deux racines * la seconde n’en a qu’une seule,
et la troisième en a de nouveau deux, avec un petit talon à la face interne de
la couronne. Les molaires suivent au nombre de quatre : la première a trois
tubercules, un à la face externe, grand, aigu et tranchant * les deux autres, à
la face interne, plus petits. La seconde et la troisième se ressemblent, si ce n’est
que celle-ci est plus petite que celle qui la précède* elles ont l’une et l’autre
quatre tubercules, à peu prés d’égale grandeur, terminant les quatre angles d’un
carré. La dernière est mince, située obliquement par rapport à l’axe de la mâchoire,
et assez semblable à une fausse molaire.
A la mâchoire inférieure on voit trois petites dents, à une seule pointe et à
une seule racine, suivre immédiatement les grandes incisives. Après elles vient
une première molaire à deux pointes principales, placées à la suite l’une de
l’autre, et terminée en arrière par un petit talon. La seconde et là troisième se
ressemblent : trois pointes forment leur partie antérieure, et deux seulement
leur partie postérieure. Les premières pointes sont disposées en triangle, et les
secondes sont à côté l’une de l’autre, transversalement à la mâchoire. La dernière,
qui est la quatrième et qui est très-petite, présente en avant un petit
talon, et en arrière une pointe fourchue.
Les dents molaires des deux mâchoires sont opposées couronnes à couronnes,
et de telle manière que la partie antérieure de celle d’en bas correspond aui
vides que celles d’en haut laissent entre elles, et la partie postérieure de celles
d’en haut aux vides qui séparent celles d’en bas.
Ce que nous avons dit plus haut est tout ce que l’on sait des moeurs de cet