fuient les mâles, qui pourraient dévorer leurs petits; e t, suivant leur âge, elles
mettent au monde de quatre à huit ou dix Marcassins, qu’elles nourrissent pendant
trois ou quatre mois, sur lesquels elles veillent avec la plus grande sollicitude,
et qui ne les quittent qu’après leur deuxième-ou leur troisième année. Leur accroissement
dure cinq à six ans* et leur vie s’étend à vingttcinq ou trente; mais
dés leur première année on les voit déjà manifester les besoins de l’amour, et
dès la seconde ils sont en état d’engendrer.
C’est surtout par le sens de l’odorat que les Sangliers se conduisent; c’est lui qui
les avertit de la présence des animaux carnassiers, des Chiens, du chasseur; et
celui-ci est obligé de se mettre sous le vent lorsqu’il veut les surprendre, autrement
ils le découvrent de fort loin, et se détournent ou prennent la fuite : tous leurs
autres sens paraissent être peu développés en comparaison de celui-là; à leur
voracité, on peut conclure de la grossièreté de leur goût, et l’on sait que leur peau
épaissé, leurs poils semblables à des soies, et la couche de graisse qui se trouve
immédiatement sous leur peau, ne permettent aucune délicatesse à leur toucher.
Leur ouïe est, après l’odorat, leur sens le plus actif: en effet ils paraissent attentifs
au moindre bruit comme à la moindre 4odeur. Les facultés intellectuelles de ces
animaux ne sont pas aussi bornées qu’on serait disposé à le penser, par la considération
de leurs apparences extérieures, la grossièreté dé leurs formes, la disgrâce
de leurs mouvemens, et le peu d’étendue de leurs sens. Ils s’apprivoisent facilement,
reconnaissent ceux qui les soignent, s’y attachent, et parviennent même
assez facilement à associer des signes à leurs besoins ou à leurs craintes, à leurs
affections ou à leurs répugnances ; de telle sorte qu’on peut les faire obéir à la
voix, et les soumettre à quelquès exercices. C’est ce dont on a pu être témoin
sur des Sangliers que possédait la Ménagerie du Roi, et qui avaient appris à faire
certains gestes, à prendre certaines attitudes, afin d’obtenir les gourmandises qui
leur étaient offertes par le public; mais ces différents mouvements: se faisaient avec
une précipitation qui établissait une différence considérable entre ces Sangliers et
des Ours soumis aux mêmes influences, et bien moins désordonnés que les premiers
dans toutes ces sortes d’actions.
De ce qui précède, on pourrait conclure jusqu’à un certain point le rôle que
jouent ces animaux dans l’économie de la nature. Quoiqu’ils puissent être considérés
comme Omnivores, ils sont cependant portés davantage à se nourrir de
substances végétales que de substances animales; ils n’ont ni les goûts sanguinaires,
ni la férocité des carnassiers véritables; et ils n’ont pas non plus l’étendue
d’intelligence* que demanderait la recherche d’une proie vivante, qui peut fuir et
employer la force et la ruse pour échapper ; mais aussi leurs besoins sont moins
communs, moins faciles à satisfaire que ceux des Herbivores, des Ruminants, et
leurs facultés intellectuelles sont bien supérieures à celles de ces derniers. Quant
aux Opmivores proprement dits, le Sanglier en diffère en ce point, que les substances
végétales ne sont qu’un besoin très-secondaire pour eux, tandis qu’elles
sont un besoin principal pour lui. Ce n’est au reste ni des feuilles, ni des tiges
des plantes qu’il se nourrit; ce sont les racines et les fruits qu’il recherche. C’est
donc par ces deux extrémités de la végétation, que ces animaux contribueraient
à la restreindre, si l’hpmme, dans nos contrées surtout, n’avait pas soumis l’économie
même de la nature à la sienne. En effet, le Sanglier, comme la plupart
des autres animaux sauvages, n’existe plus guère que par rapport à nous. Le
seul rôle qui leur reste à remplir à tous consiste à servir au plaisir de la chasse.
Dès que, par leur nombre, ces animaux pourraient exercer quelques autres influences
autour de nous, ils tomberaient bientôt victimes de l’ordre que nous
avons établi, et que nos besoins commandaient.
Ce sont les vieux Sangliers que l’on chasse de préférence. Plus courageux,
plus confiants dans leur force que les jeunes, ils fuient avec moins de rapidité,
s’arrêtent souvent pour faire tête aux Chiens ; et leurs coups sont pour ceux-ci
moins dangereux que ceux des Sangliers de quatre à cinq ans, parce que leurs
défenses, plus recourbées, ne font pas des blessures si profondes. Les jeunes
Sangliers, au contraire-, moins chargés de graisse, plus légers et plus dispos,
effrayés par les dangers, se confient davantage à leur agilité, et fuient presque
en ligne droite, aussi long-temps qu’ils le peuvent; et si les Chiens les atteignent
enfin, malheur aux premiers qui les approcheront; une mort cruelle sera peut-
être le prix de leur ardeur et de leur courage.
Les Laiès ne font de résistance que quand elles ont des petits à défendre; hors
de là elles nè savent guère se soustraire que par la fuite 4 la poursuite des Chiens ;
mais quand leur progéniture est en danger, elles montrent un courage et une
opiniâtreté que n’avait pu leur inspirer le sentiment de leur propre conservation.
Le chasseur lui-même est souvent exposé aux coups de ces dangereux animaux,
qui sont poussés par leur instinct à se jeter, non-seulement sur les ennemis qui
les menacent de plus près, mais sur ceux qui les blessent, quelque éloignés qu’ils
soieïit. Ainsi le Sanglier qui a reçu un coup de fusil se précipite furieux à travers
des Chiens pour atteindre celui qui l’a frappé; et les plus jeunes montrent à cet
égard les mêmes dispositions que les plus âgés, preuve qu’ils sont poussés à cette
action, bien moins par l’expérience, que, par une de ces dispositions innées qui
se rencontrent sVfréquenmient chez les animaux.-; '•
L’espèce de Sanglier paraît être assez^generaiemeiit repanclùe~clâns rancien
monde : elle est commune en Europe et en Asie; et elle se trouve en Afrique,
mais dans les parties septentrionales seulement, à ce qu’il paraît. Il est toutefois
à présumer que les voyageurs ont désigné sous le nom de Sanglier, des animaux
qui sont voisins de cet animal, mais qui en différent par des caractères assez importants;
ainsi cette espèce pourrait bien être renfermée dans des limites plus étroites
que celles qu’on est porté à lui assigner par les récits de ces voyageurs.
La taille du Sanglier que nous avons fait représenter, et qui était dans sa
quatrième année, est à peu près celle de nos races de Cochon de grandeur moyenne;
mais il est plus musculeux; ce qui donne à ses formes et à ses membres plus d’épaisseur.
Voici les dimensions de ses parties principales :
Sa longueur, de la partie postérieure de la tête à la queue, est de 2 piéds;
la longueur de sa tête est de 11 pouces 3 lignes ; celle de sa queue est de 7 pouces
6 lignes, et sa hauteur, à la partie moyenne du dos, est de 1 pied 8 pouces.
Les femelles sont plus petites que les mâles.
Sa couleur, en septembre, est généralement d’un gris noirâtre, produite par
des poils soyeux très-longs et très-durs, et par des poils laineux qui ont l’un
et l’autre cette couleur. Ces poils ne forment pas un pelage très-fourré ; mais
comme ils sont très-longs, les premiers surtout, lorsqu’ils sont couchés l’un sur
l’autre, l’animal en est fort bien couvert. Ceux du dos sont les plus longs, les