LE LAPIN.
L e Lapin et le Lièvre ont entre eux la plus grande ressemblance $ les proportions
relatives de leurs diverses parties sont à peu prés les mêmes, leurs sens, leurs
organes, du mouvement et ceux de la génération n’offrent que peu de différences
appréciables, et les couleurs de l’un et de l’autre semblent varier suivant les mêmes
règles et se confondre dans les mêmes changements. Ils ne se distinguent réellement
1 un de 1 autre que par leurs penchants, leur instinct. Quoique pourvus d’organes
semblables, revêtus d’un semblable pelage, habitant les mêmes lieux \ ils ont l’un
pour l’autre un éloignement que rien ne saurait vaincre, une haine que rien ne
saurait adoucir. L’amour, qui réunit le Chien et le Loup, le Bouc et la Brebis,
le Cheval et le Zèbre, ne peut rapprocher le Lièvre et le Lapin5 les signes de
chaleur chez la femelle de l’un ne parlent à aucun sens, n’éveillent aucun désir
chez le mâle de l’autre5 et si le hasard les rassemble, c’est ordinairement pour
se livrer des combats à mort. Aussi ne rencontre-t-on point de Lièvres dans les
cantons où les Lapins se sont établis, et partout où les Lièvres sont nombreux
on ne voit point d’établissements de Lapins. Le trait essentiel et caractéristique
de ces animaux, c’est que le Lièvre se contente d’un gîte à la surface de la
terre, dans l’enfoncement d’un sillon, et que le Lapin se creuse des terriers
profonds où il trouve constamment un abri sûr. Il choisit pour cela un terrain
sec et sablonneux, et l’exposition du levant ou du midi. Ses terriers ont souvent
plusieurs issues, et ils sont communs à plusieurs Lapins, sans doute à tous les
individus d’une même famille $ mais c’est ce qu’on ne sait point encore expressément.
Lorsqu’un terrain est entièrement livré aux Lapins, il est bientôt excavé
de toutes parts $ les terriers ne sont séparés l’un de l’autre que par une assez
petite distance -, quelquefois même ils communiquent l’un avec l’autre 5 et l’on
doit conjecturer que chaque famille reconnaît le sien. Ces retraites ne paraissent
pas avoir de forme déterminée 5 les galeries souterraines se coupent dans tous les
sens, et lorsque plusieurs viennent aboutir au même point, il en résulte une
sorte de place, de carrefour qu’on prendrait pour l’abri commun, mais qui n’est
qu’accidentel $ en effet, les terriers qui n’ont qu’une seule entrée se terminent
brusquement sans que l’excavation prenne une autre forme que celle d’un simple
boyau.
Dés qu’une garenne est établie, tout ce qui se trouve autour d’elle de végétation
est bientôt détruit 5 il n’est point d’animaux plus nuisibles pour les forêts ÿ
et dont le voisinage soit plus fâcheux pour les champs $ et l’on ne verrait point