principalement de la saillie de son front et de ses grands yeux rapprochés l’un
de l’autre.
Le système de dentition de cet animal est le même que celui des Makis et des
Galagos, si ce n’est que la crête du bord interne des vraies molaires, au lieu
d’être plus saillante-à la partie antérieure, est plus saillante à la postérieure; que
les incisives supérieures sont placées à côté l’une de l’autre, et non point l’une
devant l’autre, et que la canine inférieure n’est pas aplatie à sa face externe,
mais arrondie. Les organes du mouvement ont aussi les plus grands rapports
avec ceux des Makis; on retrouve aux pieds de derrière jusqu’à l’ongle crochu
du second doigt, mais en général les doigts paraissent plus courts et plus épais;
et il n’y a point de queue.
On serait aussi fondé à penser que les organes de la génération ne diffèrent pas
beaucoup de ceux des Makis, d’après ce que rapporte d’Obsonville, que la verge
était bien détachée du corps et couverte d’un prépuce. Quant à ce qu’il dit des
testicules renfermées dans l’abdomen, c’est que l’individu qu’il avait sous les yeux
était, assez jeune, comme le prouvent les petites dimensions qu’il lui donne.
Mais il diffère des animaux auxquels nous l’avons comparé jusqu’à présent par
quelques-uns de ses sensées yeux ont des pupilles transversales; et c’est parce
qu’au grand jour elles sont entièrement fermées, que d’Obsonville en avait conclu
que la lumière du soleil n’avait aucune action sur cette partie si sensible de
l’oeil ; les oreilles sont assez grandes, et l’ouïe paraît être un des sens les plus
délicats du Poucan. Les narines sont entourées par. un muffle qui est surtout
développé dans la partie qui les sépare l’une de l’autre; la langue est rude,
et le corps est revêtu partout d’un pelage presque entièrement laineux, très-
épais et très-doux, fort semblable à celui des Makis; ce qui ne me permet
pas de concevoir ce qu’a entendu Vosmaër, lorsqu’il a rapporté que le poil de
son Paresseux était rude au toucher. Les poils du museau sont plus courts que
ceux des autres parties; et l’on aperçoit quelques moustaches sur les côtés du
nez, au-dessus des sourcils et au-dessous de l’oeil.
La couleur du Poucan est un fauve-gris, qui devient blanchâtre sous la gorge,
le cou, la poitrine et le ventre, et qui prend une teinte d’un brun-doré autour
des yeux, sur le sommet de la tête, et tout le long de la ligne dorsale. Une
tache blanche nait sur le front, se prolonge entre les yeux, et vient embrasser
les deux côtés du museau.
Cet animal passe ses journées dans un sommeil assez calme, sans être profond,
assis, le corps affaissé sur lui-même, et la tête posée sur la poitrine. Dès que
le soleil est couché il s’éveille, et ses premiers soins sont de manger, et de se
débarrasser du superflu de ses repas de la veille. Son urine répand une fort
mauvaise odeur, et ses excréments ont la forme des crottes de Brebis. Il se
nourrit de fruits succulents et sucrés, mais principalement d’oeufs, d’insectes
et de petits oiseaux, et il ne boit pas. Le pain que mangeait volontiers celui de
Vosmaër, il le rejetait si auparavant on l’avait plongé dans l’eau. «Cet animal,
dit d’Obsonville, fait quelquefois entendre une sorte de modulation de voix ou j
de sifflement assez doux. Je pouvais facilement distinguer le cri du besoin, du;
plaisir, de la douleur, et même celui du chagrin ou de l’impatience. Si, par j
exemple, j ’essayais de lui retirer sa proie, ses regards paraissaient altérés, H
poussait une sorte d’inspiration de voix tremblante, et dont le son était plus j
aigu.» Vosmaër nous apprend que lorsqu’on l’irrite, il pousse le cri continuel et
réitéré tfai3 di3 di3 traînant fort long-temps et d’une manière plaintive chacun
de ces sons. Il paraît susceptible d’éducation ; de légères corrections suffirent
à d’Obsonville pour l’empêcher de mordre, et il s’était assez vivement attaché
à son maître. Voici ce que cet auteur nous rapporte encore de son The-
vangues ou Tongre, qui est le Poucan : «Aux approches de la nuit il se frottait
les yeux; ensuite, en portant attentivement ses regards de tous côtés, il
se promenait sur les meubles, ou plutôt sur des cordes que j ’avais disposées à
cet effet. Un peu de laitage et quelques fruits bien fondants ne lui déplaisaient
pas, mais c’était un pis aller ; il n’était friand que de petits oiseaux ou d’insectes.
S’il apercevait une pièce de pareil gibier, que je m’amusais à attacher à l’autre
extrémité de la chambre, ou à la lui présenter en l’appelant, aussitôt il s’approchait
d’un pas allongé et circonspect, tel que celui de quelqu’un qui marche en
tâtonnant. Arrivé environ à un pied de distance de sa proie, il s’arrêtait; alors,
se levant droit sur ses jambes, il avançait debout, en étendant doucement les
bras, puis tout à coup le saisissait, et l’^ranglait avec une prestesse singulière. »
Cet animal est désigné dans nos Catalogues méthodiques par le nom latin de
Tardigradus et de Bengalensis. Linneus en faisait un Lemur; M. Geoffroy-Saint-
Hilaire en a fait un Nycticèbe3 et Uliger un Stenops, La seule figure qu’on en
ait encore est celle de Vosmaër, et elle est assez bonne. Celle que nous donnons
nous a été envôyée du Bengale par M. Alfred Duvaucel, sous le nom de
Lori-Poucan 3 nom que cet animal reçoit des Malais.
Novembre 1821.