LE LOUP.
Le Loup, qui fait le sujet de cet article, nous donne une preuve bien frappante
dune vérité que nous avons déjà.eu plusieurs fois occasion d’exprimer dans cet
ouvrage : c est que le caractère des animaux carnassiers varie comme les circonstances
au milieu desquelles ces animaux se développent. Condamnés à des appétits
cruels, doués, de l’intelligence propre à les satisfaire, pourvus d’armes
convenables pour saisir et vaincre leur proie, nous les voyons, dans leur état
de nature, attenter à tout ce qui a vie, ne répandre autour d’eux que la haine
pu l’effroi, et multiplier leurs ennemis comme leurs victimes. Mais, doués aussi
d’une capacité d’entendement proportionnée à celle des animaux dont ils doivent
se nourrir, et qui chercheront à les fuir et à leur échapper, ils ont dû pouvoir
apprécier toutes les circonstances, se ployer à toutes les situations, laisser prédominer
tous les sentiments capables d’influer sur leur existence : ici, n’employer
que la force; là, mettre la ruse en oeuvre; ailleurs, user d’audace; plus loin,
devenir timides : et, comme le besoin d’aimer est dans la nature de tous les êtres
pourvus de sensibilité, qui se réunissent pour se reproduire, il suffirait de placer
les animaux les plus féroces dans des rapports tels, qu’ils n’eussent plus d’appétits
à calmer par la violence, plus d’ennemis à craindre ou à combattre; mais
où il eussent, au contraire, des bienfaits à recevoir et une grande sécurité à
goûter, pour faire naître en eux de bons sentiments, et ne plus les voir monte
r que de la douceur, de la confiance et de l’affection.
Ce que çe raisonnement conclut, l’expérience le confirme : il n’est aucune
espèce d’animal carnassier qu’on ne puisse apprivoiser par des traitements convenables,
c’est-à-dire qui ne soit susceptible de devenir aimant et familier
jusquà un certain point pour celui qui le nourrit et le soigne : mais ces sentiments
ne se montrent point chez toutes au même degré; et, sous ce rapport
on trouve encore des différences entre les individus. ’
Le Loup est un des animaux féroces chez lequel l’attachement peut être porté
au plus haut degré, et qui nous donne le plus singulier exemple du développement
que peut atteindre le besoin des caresses; besoin si extraordinaire, que
nous le voyons, chez cet animal, l’emporter sur celui de la faim et sur
celui de l’amour.
L’individu dont nous donnons la figure, doué sans doute d’un heureux naturel,
et élevé comme un jeune Chien, devint familier avec toutes les personnes
fiuil voyait habituellement; il suivait en tout lieu son maître, dont l’absence le