LE CHAMOIS.
. L es Latins paraissent être, parmi les anciens, les seuls qui aient parlé du Chamois
sous un nom distinct, mais ils ne l’ont pas fait assez clairement pour que
les opinions se soient réunies sur la dénomination dont ils se servaient pour
designer cet animal.
Pline dit que dans aucune espèce les animaux ne se ressemblent plus que
dans celle des Chèvres, et il ajoute, à l’appui de cette assertion : sunt C*ri,L,
sunt K u f ic a f ræ , sunt Ib ic e s , tous trois vivant sur les Alpes. C’est entre ces trois
noms que les érudits et les savants se sont partagés. Scaliger voulait que le nom
de Caprea fût celui du Chamois; mais l’auteur latin dit au liv. XI, chap 37 en
parlant des cornes : Dédit ramosa Capreis, sed parvis; ce qui se rapporterait au
Chevreuil et ne peut se rapporter au Chamois. Poinsinet de Sivry, dans les
notes quil a ajoutées à sa traduction de Pline (tom. III, pag. 536), veut que ce
dernier animal soit Ylbex, qui cependant, ainsi que Pline le rapporte encore, a
a tête surchargée de vastes cornes; or l’on sait que le Bouquetin seul, parmi
les Chèvres des Alpes, présente ce caractère; et que le Chamois n’a jamais au
contraire, que des cornes assez petites. Il reste donc le Rupicapra, et c’est ce
nom que I on s est le plds généralement accordé à regarder comme le nom latin
du Chamois. Sa signification de Chèvre de rocher convient autant à cet animal
quau Bouquetin; et l’on trouve encore dans Pline, au chap. XXVII du liv. XI
que cet animal a les cornes crochues du côté du dos {in dorsum adunca), ce qui
est précisément le caractère du Chamois. Je ne dirai rien de l’idée de Bélon
.oui pensait que cet animal était le Kemas des Grecs; car ce qu’Élien nous dit’
du Kemas a si peu de rapport avec le Chamois, qu’on peut difficilement concevoir
comment un homme d’un si grand mérite a pu commettre une telle erreur.
Ce peu de soin de la part des anciens pour distinguer le Chamois des espèces
voisines qui habitent avec lui les Alpes, vient sans doute de ce qu’ils les regardaient
comme de simples variétés; et nous voyons Buffon lui-même conserver
des doutes sur la nature de leur caractère, et renvoyer à de nouvelles observations,
pour décider si ces animaux doivent former des espèces distinctes. Ces
doutes sont aujourdhui sans fondements : on est bien assuré qu’il n’y a jamais
eu dexemples, parmi les Ruminants armés de cornes, d’une transformation semblable
à celle qui serait nécessaire pour changer les cornes du Bouquetin en celles
du Chamois, et réciproquement.
La plupart des Herbivores habitent les pays chauds, ou du moins les climats