LA LOUTRE COMMUNE.
C et animal se caractérise tellement par sa physionomie, qu’il n’en est aucun
dont on puisse, au premier aspect, plus aisément reconnaître le genre. Sa tête
large et aplatie, son museau arrondi, ses jambes courtes, son corps écrasé, ne
se retrouvent en effet chez aucun autre Mammifère, et lui donnent des traits
qui frappent d’abord, et dont les traces ne s’effacent plus. Ces formes disgracieuses
semblent cependant avoir été données à la Loutre, dans des vues sagement calculées.
C est un animal aquatique et terrestre, qui se nourrit surtout de poissons
et qui pour cet effet habite le bord des rivières et des étangs, dont il est un
des plus grands fléaux; mais il ne peut vivre sans respirer, et hors le temps durant
lequel il cherche et poursuit sa proie, c’est sur la terre qu’il se tient. Il était
donc nécessaire qu’il fût conformé d’une manière convenable à sa double destination,
et c’est ce qui a eu lieu à tous égards; car,'comme son existence dépend
principalement de l’eau, c’est surtout pour nager que ces membres courts, cette
tête aplatie, ce corps écrasé, paraissent lui avoir été donnés.'Avec cette organisation
il se soutient mieux dans le milieu où il nage, s’y dirige avec plus de fermeté,
et en ressent moins les mouvements. A terre il peut marcher Avec facilité,
sinon courir avéc vitesse, et préparer commodément l’excavation ou l’abri qu’il
se choisit pour retraite, et qui est ordinairement un creux du rivage, le dessous
d’un rocher ou de quelques grosses racines. C’est là-où la Loutre passe ses journées,
couchée sur un lit d’herbes sèches; elle ne quitte son gîte que la nuit
et c’est alors surtout qu’elle pourvoie à ses besoins. L’hiver est pour elle la saison
de l’amour, mais on ignore les circonstances qui, chez elle, accompagnent l’accouplement,
la gestation et la mise bas, et l’on n’a point fait connaître dans quel
état ses petits naissent. C’est vers la fin de mars ou au commencement d’avril que
l’on commence à trouver de jeunes Loutres. La mère ne paraît pas leur donner
pendant très-long-temps ses soins, car dès le mois'de mai ils vont à l’eau, et
s’essaient à poursuivre le poisson; et vers leur deuxième année ils ont acquis
toute leur taille et toute leur force.
Quoique le poisson d’eau douce soit la nourriture que la Loutre recherche le
plus, elle mange cependant d’autre chair, et elle ne repousse point les substances
végétales. Ce n’est pas un animal très-difficile à apprivoiser, et c’est par erreur
que Buffon a cru le contraire. J’en ai possédé plusieurs qui étaient très-fami-
hères, et qui ne se nourrissaient que de pain et de lait; aussi ne serais-je point
étonné qu’on fût parvenu à en dresser, comme le rapporte Gesnèr, de manière