2 LE JONGLEUR.
et les découvertes semblent se surpasser chaque jour, et qui, après avoir exploré le
Bengale, Sumatra et leSilhet, s’apprête à traverser la chaîne de l’IIimalayaet à passer
au Tibet. L’une de ces deux espèces, la plus petite de toutes, ne se trouve pas seulement
sur le continent, mais encore dans les îles j c est celle de Sumatra dont
parle Marsden, et qu’avait vue M. Leschehault à Java. C’est elle aussi qui vient
d’être publiée par M. Horsfield, sous le nom d'Ursus malayanus, dans son riche
ouvrage sur les animaux de Java. La seconde n a encore été vue que dans le Napoul
et dans les montagnes du Silhet , par MM. Wallich et Duvaucel. Mon frère a
nommé cette dernière espèce Ursus tibetanus.
Pour faire connaître le Jongleur, Ursus Iabiatus,]e ne puis mieux faire que
de donner textuellement ce que M. A. Duvaucel nous apprend des trois espèces
dont je viens de parler. La comparaison qu’il en présente rend leurs caractères
plus saillans, et fait saisir d’une manière plus précise les différences qui les distinguent.
« L’analogie qui règne entre ces trois Ours, et l’incertitude où l’on est encore à
l’égard de ceux qui vivent dans l’ancien continent, me fait espérer, dit M. A. Duvaucel
à mon frère, que vous accueillerez avec intérêt quelques observations comparatives
qui tendent à les spécifier. Leur différence, qui consiste principalement
dans la conformation des têtes, quoique moins sensible sur les autres parties,
s’étend néanmoins sur tout l’ensemble, et l’on reconnaît, soit dans les pieds, soit
dans le pelage ou dans les proportions des membres, plusieurs caractères invariables
et non équivoques.
» Le plus grand des trois (le Jongleur), a le museau épais quoique singulièrement
allongé. Sa tête est petite et ses oreilles sont grandes; mais le poil du museau,
d’abord ras et uni, venant à grandir et à se rebrousser subitement tout au tour de la
tête, à la hauteur des oreilles, ensevelit celles-ci sous une fourrure épaisse, et augmente
considérablement le volume de celle-là. Le cartilage du nez (le mufle) consiste dans
une large plaque presque plane et facilement mobile. Le bout de la levre inférieure,
dans tous ceux que j’ai vus, dépasse la supérieure, et se meut également soit par
contraction, soit en s’allongeant, soit en se portant sur les côtés ; ce qui donne à cette
espèce une figure stupidement animée. Ses jambes sont élevées, son corps allongé
et ses mouvemens faciles; caractères plus ou moins déguisés par la longueur des
poils qui touchent presque à terre quand l’animal est vieux. Sa poitrine est ornée
d’une large tache blanche qui figure un fer à cheval renversé, dont les deux branches
s’étendent sur les bras. Cet Ours, qui paraît plus docile, plus intelligent et plus
commun au Bengale que les autres espèces, est celui que les jongleurs instruisent
et promènent pour amuser le peuple. On le rencontre souvent dans les montagnes
du Silhet, aux environs des lieux habités, où il passe pour exclusivement frugivore.
» La plus petite espèce est d’un sixième moins grande que la précédente ; sa tête est
ronde, son front large et son museau fort court. Le cartilage des narines (mufle) est arrondi
et peu mobile. Les oreilles sont petites, mais plus apparentes et attachées plus
bas que dans le premier. La queue est à peine visible, le pelage est ras, luisant et serré
sür la tête ainsi que sur le corps. On remarque au-dessus des yeux une tache d un
fauve pâle, que l’âge fait disparaître ; le museau est d’un roux plus ou moins foncé;
et la tache pectorale, également rousse, présente sur tous les individus la figure
imparfaite d’un large coeur. Cette espèce, assez rare partout, est néanmoins très-
répandue ; c’est aussi la plus délicate et celle qui est accessible aux plus nombreuses
modifications; sa taille surtout varie notablement. Les plus petits viennent du Pégut •
les plus grands se trouvent dans l’île de Sumatra, où ils sont fort communs; et
c’est ja seule espèce de ce genre qui se soit échappée du continent; c’est dans’ ce
pays qu’elle cause de grands ravages, en grimpant au sommet des cocotiers pour
en boire le lait après avoir dévoré leur cime.» C’est cette espèce qui est l’ï/ims
maloyanus.
«L’espèce intermédiaire a le museau de grosseur médiocre; mais le front, déjà
peu élevé dans les deux précédens, se trouve à peine senti dans celui-ci, et presque
sur la même ligne que le nez. La disposition du poil est la même que dans le
premier, et le volume de la tête également emprunté à celui des poils ; seulement
le poil étant un peu plus court, ce caractère est un peu moins saillant. Les oreilles
sont aussi fort grandes, et le nez assez semblable à celui des Chiens.
» Cet Ours a le corps ramassé, le cou épais et les membres trapus; mais cette
conformation, qui supposerait une force supérieure, ne s’accorde pas avec la faiblesse
de ses ongles, moitié plus courts que ceux des précédens. Peut-être en peut-on
déduire que celui-ci n est pas grimpeur ? Son museau supérieurement est noir à
tout âge, avec une légère teinte rousse au bord des lèvres. La mâchoire inférieure
est blanche en dessous, et la tache pectorale a la forme d’une fourche dont le deux
branches, très-écartées, occupent toute la poitrine, et dont la queue se prolonge
jusqu’au milieu du ventre. Cet Ours a été trouvé d’abord par M. Wallich, dans
les montagnes de Napoul, et je l’ai rencontré également dans celles du Silhet. Il
paraît moins répandu et plus féroce que les deux autres. J’ai vu un nombre d’individus
assez grand de chacune de ces trois espèces, pour pouvoir assurer que leur
pelage conserve la même couleur à tout âge comme en toute saison, etc. » Cet Ours
est V Ursus tibetanus.
Nous avons dit que l’espèce du Jongleur entrait dans les catalogues méthodiques
sous le nom d? Ursus labiatus, ou sous celui & Ursus longimstris.
Mars, i8a3-