suffisamment exacte, le type d’une de nos espèces d’animaux domestiques la plus
intéressante par les services qu’elle rend', et la plus curieuse par les variétés
diverses que la domesticité a su en tirer } je veux dire l’espèce du Bouc et de
la Chèvre. En effet, à quelque çirçonstance que soit due la ressemblance des
Egagres d’Asie et des nôtres, elle n’en est pas moins positive, et aucune erreur
importante ne peut résulter de l’application que nous en faisons.
Le Bouquetin était généralement regardé comme la souche de notre Bouc
domestique avant que l’Égagre fût connu. Dès lors les idées ont dû changer} car,
malgré tout ce qu’il y a de conjectural et d’arbitraire dans les raisonnements qui
tendent à établir l’origine de nos animaux domestiques, on ne peut s’empêcher
de reconnaître que ce dernier animal a beaucoup plus de ressemblance avec notre
Bouc que le premier. En effet, quoique les cornes de nos Boucs aient pris diverses
formes, et qu’elles puissent même par-là caractériser différentes races, elles ont
conservé un trait commun que l’Égagre seul nous présente : elles sont terminées
en avant par un angle, par une arête aiguë, au lieu de l’être par une ligne droite,
comme le sont celles du Bouquetin.
Ce caractère du Bouc, le seul peut-être qui soit constant, est sans doute bien
faible pour caractériser une espèce} plusieurs ruminants à cornes creuses, sauvages
à la vérité, le présentent aussi 5 mais en l’associant à quelques autres, moins
variables dans l’état de nature que dans l’état de domesticité, on parvient à éviter
tout désordre et toute confusion.
LÊgagre, comme nous l’avons dit, est un ruminant à cornes creuses 5 il a tous
les caractères de cette riche famille, si embarrassante pour le naturaliste qui veut
en classer méthodiquement les espèces, et il appartient au groupe peu nombreux
qui, relativement à la physionomie générale, à toutes les apparences extérieures,
peut prendre pour type, parmi les animaux les plus connus, notre Bouc domestique
commun 5 mais qui trouve un type plus pur dans l’Égagre lui-même. Les
traits distinctifs de ce groupe, ou, si l’on veut, de ce genre d’animaux ruminants,
se font mieux sentir par la figure d’une de ses espèces que par des paroles et
une description 5 parce que ces traits n’ont rien d’assez absolu pour que le langage
puisse bien exprimer leurs différences d’avec ceux qui distinguent des groupes
voisins } ce qui tient sans doute à l’imperfection de la science, à l’absence des
observations} car la pauvreté des idées se marque toujours par la pauvreté du
langage. Quoi quil en soit, les détails sont évidemment nécessaires, et ceux dans
lesquels nous allons entrer contribueront peut-être à faire soulever quelque jour
le voile qui nous cache encore en grande partie la nature de ces ruminants à
cornes portées par un noyau osseux qui pour nous jusqu’à présent semblent
se confondre et se distinguer à la fois comme pour nous donner la mesure étroite
de nos forces, la pleine conscience de notre impuissance.
,L’Egagre mâle est plus élevé sur jambes que nos plus grandes variétés de Bouc,
et son corps est plus raccourci et plus trapu que le leur} ses jambes sont fortes
et épaisses, et n’ont point la légèreté de celles de la Gazelle proprement dite,
ou des Cerfs} son cou est court et gros, en partie sans doute à cause des vastes
cornes quil est forcé de porter} sa tête n’est pas fort allongée, comparativement
à celle de beaucoup dautres espèces} ses cornes, recourbées uniformément en
arrière, ont des dimensions qu’aucun autre ruminant de sa taille n’a encore présentées}
sa queue, qu’il porte le plus souvent relevée, est très-courte, et une longue
barbe garnit le dessous de sa mâchoire inférieure. Il tient sa tête haute- son
regard est fixe, ses mouvements sont prompts, et sa démarche est fort assurée
Xels sont les traits principaux de sa physionomie, ceux qui frappent d’abord
dès quon 1 aperçoit. En l’examinant dans ses détails, on voit que ses cornes sont
comme nous lavons dit, uniformément recourbées en arrière, d’une forme triangulaire,
et couvertes de rides transversales plus ou moins profondes ; qu’il a les
yeux à pupilles longues transversalement, et qu’il est dépourvu de larmiers: crue
ses oreilles extérieures sont en forme de cornets, et d’une structure assez simple-
que ses narines, ouvertes à l’extrémité du museau, et très-rapprochées l’une de
Iautre, ne sont point entourées d’un mufle; mais qu’on croit apercevoir les rudiments
de cet organe glanduleux sur l’étroite cloison, dénuée de poils, qui les
séparé; que la langue est fort douce, que les lèvres sont entières, et qu’aucun organe
accessoire naccompagne ces organes de goût; que le pelage se compose de poils
soyeux longs et épais, mais très-lisses, et de poils laineux d’une extrême douceur-
enfin que les testicules, très-grands, sont renfermés dans un scrotum extérieur-
et que la verge, terminée par un filament fort mince, se dirige en avant et est
complètement renfermée dans un fourreau attaché à l’abdomen. Je n’ai pas besoin
d ajouter que ses pieds sont fourchus, qu’il est privé d’incisives supérieures et de
canme6, que ses incisives inférieures sont au nombre de huit, et qu’il a en tout
vingt-quatre molaires. Ce sont, 'jusqu’à présentées caractères communs à tous
les ruminants à cornes creuses, de sorte que cette dénomination renferme implicitement
tous ces détails.
Les deux Égagres que nous possédions n’avaient pas le même fond de couleur:
lun était dun gris-brunâtre, et l’autre d’un gris-fauve; du reste ils-se ressemblaient
entièrement. C’est le second que nous avons fait représenter et que nous
devons décrire ici :
Son pelage, sur toutes les parties supérieures du corps, est d’un fauve brillant,
dans lequel on voit quelques poils noirs; sous le ventre et à la face interne et
supérieure des cuisses il est blanchâtre; sous les yeux, jusqu’à l’angle de la bouche,
le long de l’épme et sur l’épaule en descendant vers les jambes, se voient des
bandes dun brun très-foncé. Cette couleur sépare les teintes supérieures du
corps des inférieures, en formant le long des flancs une ligne qui s’étend jusqu’aux
parties antérieures des cuisses; le bout de la queue, la barbe, le dessous de la
gorge et du cou, ainsi que les membres, antérieurement, sont aussi de ce brun
foncé. Le tour de l’anus est blanc. Sur le genou (le carpe) est une partie nue
où le poil a été usé, par l’habitude qu’a cet animal de se mettre à genoux. Les
cornes, comme les sabots, sont grisâtres, et les premières sont couvertes de rides
plus prononcées à l’angle extérieur que sur les autres parties.
Ces animaux avaient été vendus à. la Ménagerie, comme ayant été pris dans les
Alpes, à létat sauvage; mais nous avons quelques raisons de penser qu’on ne leur
donnait cette origine que pour en avoir un meilleur prix. On nous a plusieurs
fois assuré que de semblables animaux se trouvaient communément à l’état domestique,
non-seulement dans les Alpes, mais encore dans les Pyrénées. Quoi qu’il
en soit, ils ont vécu plusieurs années dans nos parcs, et ils nous ont montré
toutes les habitudes, tout le naturel de nos Boucs domestiques. C’était la même
adresse pour grimper et sauter, la même intelligence pour distinguer les circonstances,
juger celles qui pouvaient être favorables ou nuisibles, et se déterminer