LE DZIGTAI.
P l u s on étudie l’Histoire Naturelle, et plus on voit disparaître les préventions que
des observations trop superficielles font ordinairement naître, et auxquelles les
meilleurs esprits même ne peuvent se soustraire une fois qu’elles sont établies.
Au nombre de ces préventions, est celle que certaines espèces de Mammifères sont
d’un naturel absolument indocile, et qu’aucun soin, qu’aucun effort ne peut dompter
et adoucir. C’est précisément comme si l’on disait que ces animaux ont été
formés pour des conditions absolument invariables ,—e fpour- lesquelles tous leurs
besoins et toutes leurs actions ont été déterminés d’avance; ou autrement, que tous
leurs mouvemens n’ont d’autre cause qu’un instinct machinal, que des’ rapports
organiques, et qu’ils n’ont été doués d’aucun degré d’intelligence; car à quoi bon
de l’intelligence pour des êtres qui n’auraient pas même la faculté de distinguer les
circonstances favorables ou nuisibles qui pourraient les environner? et c’est ce qui
aurait nécessairement lieu pour des animaux toujours sauvages et que rien ne pourrait
apprivoiser, qui ne se trouveraient en harmonie, et ne se familiariseraient qu’avec
les alimens qu’ils seraient portés à rechercher, et avec le repaire qui leur aurait
été fixé; d’où même, d’après les idées que nous combattons, on ne conçoit pas qu’ils
pussent jamais sortir. Or, de tels animaux n’existent point parmi les Mammifères,
et s’il en est de semblables, il faudrait peut-être descendre jusqu’aux Zoophytes pour
les trouver.
Nous avons déjà combattu cette prévention en parlant de quelques carnassiers, et
entre autres du Tigre, que BufFon représente comme un animal dont rien ne peui
vaincre la férocité. Nous sommes obligés de la combattre encore aujourd’hui en
parlant du Dzigtai, que Pallas pense être d’un naturel beaucoup plus sauvage qu’il ne
parait 1 être en effet ; et ce n’est plus seulement par des exemples isolés, par des individus
retenus dans un étroit esclavage, comme sont les animaux des ménageries,
que nous détruirons cette, erreur; c’est en lui opposant l’existence de Dzigtais domestiques
, associés à l’homme et partageant avec lui tous ses travaux agricoles.
M. A. Duvaucel, à qui nous devons la connaissance de cette race de Dzigtais domestiques
et la figure que nous publions, nous apprend que ces animaux, à l’état
sauvage, sont communs dans les parties de l’Indostan qui se rapprochent de la chaîne
de 1 Himalaya, et que particulièrement à Laknau, ils sont employés, ainsi que les
Anes, à toute sorte de services, et qu’ils se reproduisent et se multiplient comme les
animaux les plus soumis.
On voit par la figure que nous donnons, que lés formes de cette espèce la rapprochent
beaucoup de celles des Anes; qu’elle a la queue, les oreilles et la grosse tête